3 % d’incidents graves en chirurgie, quels sont les « never events » ?

29 octobre 2025

Les « never events » sont des incidents graves en chirurgie, pourtant évitables. Une enquête européenne de l’assureur hospitalier Relyens les a chiffrés : ils représentent 3 % des chirurgies programmées, et surviennent surtout en chirurgie orthopédique, gynécologique et viscérale. Mais alors, à quoi servent les « check lists », censées sécuriser les interventions au bloc opératoire ? Une enquête menée à l’AP-HP révélait en septembre dernier qu’un tiers d'entre-elles étaient incomplètes.

En 2023, l’assureur mutualiste Relyens qui couvre plusieurs pays d’Europe a analysé plus de 10 000 sinistres dans quatre pays européens (France, Espagne, Italie et Allemagne) et identifié 339 « never events», ces erreurs médicales dites évitables. Celles-ci concernent plus de 3 % des demandes d’indemnisation. Or ces incidents graves n’auraient jamais dû se produire si les recommandations de sécurité avaient été correctement appliquées.

Quels sont les « never events » les plus fréquents ?

35 % des « never events» sont liés à un oubli de matériel (embout de sonde, compresse oubliée…). 16 % sont dus à une erreur de procédure (intervention réalisée du mauvais côté, faute de coordination pendant la préparation opératoire).

Parmi les autres « never events », 20 % concernent des brûlures de patients, comme une brûlure au 3ᵉ degré survenue sous anesthésie loco-régionale après l’application d’une poche de glace. Viennent ensuite les prothèses ou implants inadaptés, représentant 17 % des cas (une prothèse de hanche de taille incorrecte). Les erreurs médicamenteuses graves comptent pour 10 % des incidents, comme l’injection d’un médicament erroné après confusion entre deux ampoules similaires. Enfin, 2 % des « never events » résultent d’erreurs de patient, telles qu’un prélèvement mal identifié à cause de l’utilisation d’étiquettes appartenant à un autre dossier.

Au global, le coût des « never events » est loin d’être négligeable : 11,4 millions d’euros en 2023, soit 36 000 euros par événement en moyenne, et jusqu’à 600 000 euros pour les cas les plus graves.

De l’erreur détectable au drame, la répartition des « Never Events » par gravité

Plus de la moitié des cas présentent une gravité « moyenne », entraînant des complications évitables et un allongement du parcours de soins, tandis qu’un quart affiche une gravité « élevée », parfois mortelle.

Quatre niveaux de gravité ont été identifiés :

– 19 % des cas relèvent d’un impact faible : l’incident est détecté à temps et n’entraîne pas de séquelle durable pour le patient (brûlure superficielle liée à un matériel trop chaud, par exemple) ;

– 55 % présentent une gravité moyenne : le parcours de soins s’allonge et des complications nécessitent une prise en charge supplémentaire (infection secondaire à un oubli de matériel, par exemple) ;

– 19 % affichent une gravité élevée et irréversible : le patient subit des séquelles fonctionnelles définitives ou une perte d’autonomie (lésion neurologique après erreur de procédure, par exemple) ;

– 8 % aboutissent à une issue mortelle : le décès du patient est directement lié à l’événement indésirable évitable (comme une injection médicamenteuse erronée).

Plus de risque en chirurgie programmée qu’en intervention d’urgence !

84 % des « never events » surviennent lors d’opérations programmées, supposées pourtant les plus sûres. En réalité, il semble bien que la routine affaiblisse la vigilance, tandis que l’urgence concentre toute l’attention de l’équipe médico-chirurgicale.

Les chirurgies orthopédique, gynécologie-obstétrique et viscérale, les plus pourvoyeuses de « never events »

Toutes les spécialités ne sont pas confrontées aux mêmes risques. Les chirurgiens effectuant de nombreuses interventions longues, complexes ou présentant un côté spécifique d’intervention (droit ou gauche) sont les plus exposés. La chirurgie orthopédique représente ainsi 32 % des « never events », principalement liés au matériel, au côté opératoire ou au type de procédure. Ce niveau de risque est aussi dû au fait d’un volume élevé d’interventions dans cette spécialité.

La gynécologie-obstétrique concentre 20 % des « never events », souvent liés à un oubli de compresse ou d’instrument lors d’une césarienne ou d’un accouchement. En chirurgie viscérale, 15 % des incidents concernent des erreurs de localisation.

La chirurgie plastique est aussi concernée (5 % des « never events »), comme l’urologie (4 %).

Des fautes le plus souvent collectives qu’individuelles

Plutôt que de relever d’erreurs individuelles ou de défauts de compétence, ces incidents traduisent « une erreur du collectif, liée à des fragilités systémiques ». L’enquête identifie plusieurs causes : mise en œuvre inconstante des protocoles, culture de la sécurité insuffisamment ancrée, équipes peu formées à l’analyse des signaux faibles et retour d’expérience trop rare.

Pour réduire le risque, l’assureur préconise plusieurs leviers d’action, notamment une check-list ergonomique intégrée au dossier du patient, à utiliser à trois moments clés : avant l’anesthésie, avant l’incision et à la fin de l’opération, et dont le remplissage pourrait être aidé par l’intelligence artificielle.

Et en France ?

Alors, à quoi servent les check-lists ? Souvent perçues comme une formalité administrative, elles restent parfois « symboliques », « routinières » ou même « bâclées » peut-on lire dans l’enquête Relyens, et n’empêchent pas toujours la survenue des erreurs évitables.

L’année dernière, la Haute autorité en santé (HAS) a mis à jour son outil de sécurité au bloc opératoire : la check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire / interventionnel ». Simple d’usage, elle améliore les pratiques, la communication et le travail en équipe, en permettant la vérification croisée de critères essentiels avant, pendant et après chaque intervention. Son efficacité est scientifiquement démontrée pour réduire les événements indésirables associés aux soins et diminuer significativement la morbi-mortalité post-opératoire. Il y a quelques jours, le Collège français des anesthésistes-réanimateurs a rédigé un « Flash sécurité patient », diffusé par la HAS, pour prévenir les erreurs de côté lors des anesthésies loco-régionales (24 octobre 2025).

Enfin, publier des « check list », c’est bien, encore faut-il les utiliser : en septembre dernier une étude de l’AP-HP révélait qu’un tiers des check-lists au bloc opératoire étaient incomplètes. Autrement dit, près de 60 000 patients n’auraient pas bénéficié d’une sécurité optimale pendant leur opération. En 2020, Philippe Cabarrot, conseiller à la sécurité des soins à la HAS, constatait que plus de 90 % des événements indésirables graves, parfois mortels, étaient liés à un dysfonctionnement de la check-list.

  • Source : Enquête et communiqué de presse Never Events en Europe - Bâtir une culture de sécurité des soins plus forte et durable Relyens 28 octobre 2025 ; Les check-lists pour la sécurité du patient : outil d'amélioration des pratiques professionnelles - Mis en ligne le 29 nov. 2018 - Mis à jour le 23 mai 2024 ; Philippe Cabarrot et al : Un second souffle en 2022 pour la check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire » 2022 sees a new lease of life for « Surgical Safety Checklist » ; La check-list générique « sécurité du patient au bloc opératoire » HAS 2023 ; Cabarrot P, Vingt-cinq Évènements indésirables graves au bloc opératoire que l’on aurait pu éviter… Risques & Qualité 2020;(17)3;143-152.

  • Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet

Destination Santé
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