Addiction à l’alcool: les femmes plus fragiles

29 janvier 2015

En France, les excès d’alcool concernent 3 fois plus d’hommes que de femmes. Mais la toxicité de l’alcool diffère d’un sexe à l’autre. A tel point que le risque de dépendance lié à ces usages problématiques est plus fréquent dans la population féminine. Les précisions du Pr Bertrand Nalpas, chercheur en addictologie INSERM (U1016).

En France, l’abus ou la dépendance à l’alcool concerne 10% de la population. Depuis plusieurs décennies, la prévalence est stable : 1 femme pour 3 hommes serait exposée à ces consommations excessives régulières. « Il ne s’agit là que d’une estimation », souligne le Pr Nalpas. « La société porte en effet un tel regard négatif sur l’alcoolisme, particulièrement dans la population féminine, que beaucoup de situations passent sous silence. » Conséquence, des délais de prise en charge plus tardifs. Ainsi, « les hommes concernés par l’alcoolodépendance sont pris en charge à l’âge de 39 ans en moyenne, contre 42 ans pour les femmes ». Or un retard du suivi médical complique la prise en charge « d’une pathologie dont il est difficile de sortir ».

Les femmes plus fragiles ?

« La dépendance à toute substance se caractérise par l’apparition d’un syndrome de manque lorsque le produit est absent », décrit le Pr Nalpas. Et « ce manque génère une réelle souffrance, physique ou psychique, plus profonde chez les femmes ». En effet, l’impact d’un usage pathologique de l’alcool varie en fonction des sexes. « L’organisme de la femme est moins résistant à la toxicité de l’alcool, il réagit plus vite et plus intensément à ses effets ». Ainsi :

  • La comorbidité psychiatrique, observée chez 20% à 30% des patients dépendants à l’alcool tous sexes confondus, touche en particulier les femmes. « Des études sont en cours pour expliquer cette plus forte prévalence, mais aujourd’hui on ne sait toujours pas dire si ces troubles psychiques sont la cause ou la conséquence des consommations excessives et incontrôlées », tient à préciser le Pr Nalpas ;
  • Sur le plan physique, les femmes sont davantage exposées à un risque de maladies hépatiques comme la cirrhose. « Moins corpulentes, elles disposent d’un métabolisme plus fragile. A poids égal, l’alcool est moins bien évacué que chez un homme, la toxicité va donc être plus grande. »

Un sevrage progressif

Pour aller vers la maîtrise de la consommation et le contrôle des pulsions, la rééducation des processus de contrôle est aujourd’hui axée – pour l’homme comme pour la femme – sur l’abstinence relative. L’addiction est une pathologie dite multifactorielle. « Il ne suffit pas d’agir sur la privation d’alcool pour que la dépendance s’efface, car celle-ci est directement liée aux comportements de la personne. Le simple fait de parler d’une problématique de consommation est déjà thérapeutique en soi », conclut le Dr Nalpas.

Pour en savoir plus : « Les usages de drogues féminins publiés sur le site de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) », en cliquant ici.

  • Source : Interview du Pr Bertrand Nalpas, à l’occasion de la 5e rencontre-débat « Alcool et recherche », organisée le 11 décembre 2014 par la Mission INSERM Associations

  • Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Dominique Salomon

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