Apnée du sommeil : téléobservance ou «télésanction» ?

30 avril 2014

Tension dans la prise en charge de l’apnée du sommeil. Deux mois après la suspension par le Conseil d’Etat d’un arrêté qui conditionnait la prise en charge des appareils de pression positive continue (PPC) à l’observance des patients, les acteurs de ce feuilleton inédit se sont retrouvés la semaine dernière à Paris. Sur fond de crispations et de débats parfois un brin technocratiques, les enjeux sont d’importance. Et ils vont bien au-delà des 600 000 patients concernés en France. Ambiance.

Rappels des faits. L’histoire a démarré le 22 octobre 2013 avec la publication d’un arrêté qui obligeait les malades à justifier l’utilisation de leur dispositif médical à PPC au moins 3 heures par jour pendant 20 jours pour être éligible au remboursement. Et cela grâce à un système de télésurveillance.

Le 14 février dernier, coup de théâtre : le Conseil d’Etat a suspendu l’arrêté. Pour deux raisons principales. Un, le juge des référés a mis en avant des doutes « sérieux » sur la légalité du texte. Deux, cette suspension se justifie selon lui par rapport à une « situation d’urgence ». Des patients non-observants risquaient en effet d’être privés d’appareillage à partir du mois de juin…  Au final, le juge est même allé jusqu’à stipuler « qu’il exist(ait)  (…) un doute sérieux sur la compétence des ministres chargés de la santé et du budget pour édicter un tel mécanisme » !

Deux mois plus tard, représentants des patients, des prestataires, des fabricants de matériels, des autorités sanitaires ainsi que des élus se sont retrouvés à Paris à l’occasion d’un colloque sur le thème Téléobservance et parcours de santé, quels enjeux ? La tension était très perceptible.

« Télésanction » ? « On ne peut pas être favorable à une mesure qui propose d’interrompre l’accès aux soins », s’emporte Claude Rambaud, Présidente du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), lequel regroupe une quarantaine d’associations de patients.  « La téléobservance doit être mise en place dans un objectif de santé publique. Là, nous sommes dans la télésanction ».

Inspecteur général des finances et vice-président du Comité économique des Produits de Santé (CEPS) en charge des produits de santé, André Tanti rétorque : « Les patients n’ont pas de retours sur les effets de leur observance. L’objectif n’est pas de les surveiller mais de les aider ».

En tout état de cause, Claude Rambaud propose de « revoir le dispositif, de s’interroger sur les raisons pour lesquelles les patients ne suivent pas leur traitement par PPC. Outre l’éducation thérapeutique, il faut aussi revenir aux bases comme la prévention. Il faut prendre le temps de leur expliquer les choses. »

Un manque de concertation ? L’un des enjeux de ce débat porte aussi sur l’accès – par les patients – à leurs données de santé. « Et plus particulièrement à celles concernant l’observance », glisse Alain Murez, représentant de la Fédération française des Associations et Amicales des Malades Insuffisants respiratoires (FFAAIR). Lequel regrette surtout « l’absence de concertation sur ce dossier ». Un argument qu’André Tanti « ne peut pas entendre. Les patients ont été reçus au même titre que les prestataires et les fabricants ».

Quelle place pour la téléobservance ? L’arrêté a été suspendu pour une durée de six mois. « Remettons-nous autour de la table » appelle Claude Rambaud. De son côté, le Dr Gérard Bapt, député (PS) de Haute-Garonne précise que « nous sommes dans un contexte où nous avons la nécessité de recentrer les crédits publics sur des soins efficients. Et donc de faire la chasse au gaspillage. Cela passe bien sûr par une notion d’éthique. Il faut trouver une issue quant à une meilleure pertinence des soins, de prescription et de contrôle de l’observance quand les coûts sont importants ».

Investir dans la santé ? « Quand un dispositif passe de l’évaluation au déploiement, on se heurte inévitablement à des enjeux de financement. Ces derniers doivent être incitatifs », enchaîne Philippe Calmette, Directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) du Limousin. Il donne toutefois quelques pistes – théoriques – pour sortir de cette issue. « Il faut avancer sur le mode de rémunération de la médecine de ville, financer le travail en équipe etc ». Mais il ajoute surtout : « Nous devons aussi avoir une autre approche des dépenses de santé. Nous avons le nez fixé sur l’ONDAM. A aucun moment, on ne raisonne en termes d’investissements en santé. C’est l’investissement d’aujourd’hui qui fera la santé de demain et les économies d’après-demain ».

  • Source : Téléobservance et parcours de santé, quels enjeux ? Paris, 24 avril 2014

  • Ecrit par : David Picot – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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