Autotests : utiliser un mouche-bébé, la fausse bonne idée
24 janvier 2022
Trois autotests par semaine, c’est désormais la règle pour les écoliers cas contact d’un élève testé positif au Covid. Pour tester leurs enfants tout en évitant ce geste qu’ils jugent trop invasif, certains parents utilisent un mouche-bébé. C’est une fausse bonne idée, estime le directeur de recherche CNRS Franck Perez.
Glisser un écouvillon dans la narine de son enfant qui se débat, c’est désormais la routine pour des dizaines de milliers de parents dont les enfants sont scolarisés en maternelle et en primaire. Le protocole sanitaire qui s’applique dans les écoles – à l’heure où nous publions ces lignes – implique en effet que dès lors qu’un élève est testé positif dans une classe, ses camarades doivent se faire tester le jour même, puis deux jours après, puis quatre jours après.
Et c’est donc aux parents qu’il revient d’effectuer ce geste que les plus jeunes ont du mal à accepter, les conduisant parfois à chercher des solutions alternatives et moins invasives. La technique du mouche-bébé par exemple, qui consiste à imbiber l’écouvillon de l’autotest dans le mucus recueilli par l’appareil plutôt que directement au fond des narines de l’enfant.
Faux négatif
Partagée sur les réseaux sociaux, cette méthode semble fonctionner puisque nombre de parents déclarent avoir obtenu des résultats positifs (qu’ils ont ensuite fait confirmer avec des tests PCR ou antigéniques réalisés par des professionnels de santé). Mais selon Franck Perez, directeur de l’unité biologie cellulaire et cancer à l’Institut Curie/CNRS, elle est loin d’être sans risque.
En effet, explique le chercheur, « les autotests naso-pharyngés ont été autorisés voire labellisés sur des protocoles validés où l’on va gratter des cellules de l’épithélium (la paroi qui tapisse l’intérieur du nez, ndlr), les récupérer et ensuite tester la présence de virus dedans. Si on ne récupère que des sécrétions, le résultat peut être très différent ». Ainsi, « si on est positif, c’est qu’on est en phase d’infection, il y a du virus relargué dans le mucus et donc on peut le voir. Il peut aussi y avoir dans le mucus des facteurs qui réduisent la sensibilité des tests, car les protocoles demandent souvent de se moucher avant de faire le prélèvement. Je ne crains pas les faux positifs, mais les faux négatifs ».
Le retour des tests salivaires ?
Autre détournement possible de l’autotest : passer l’écouvillon à l’intérieur de la joue pour récupérer de la salive. Autrement dit, utiliser ce test naso-pharyngé comme un test salivaire. Sauf que là aussi, la méthode est risquée : les protocoles d’extraction et les seuils de détection du virus ne sont pas les mêmes, et le risque de faux négatif est également extrêmement élevé. De manière générale, rappelle le chercheur, « il ne faut pas détourner un dispositif de l’usage pour lequel il a été conçu sans tester ce nouveau protocole de façon rigoureuse. Ce que je crains, c’est que des tests impropres rassurent les gens de façon inappropriée et qu’ils prennent plus de risques ». Pour eux-mêmes et surtout pour les autres.
Reste qu’il est difficile de blâmer des parents qui cherchent des solutions pour tester leurs enfants dans des conditions plus sereines. Pour Franck Perez, le raz-de-marée Omicron est peut-être l’occasion de redonner leur chance aux tests salivaires, en procédant à une étude clinique rapide : « cela en vaut la peine et c’est plus sérieux que de laisser les gens faire du système D en trouvant un moyen de ne pas aller gratter le fond de la paroi nasale de leurs enfants qui n’en peuvent plus ».
Adoptés puis rapidement abandonnés car moins sensibles que les tests naso-pharyngés, ces tests pourraient d’ailleurs bien faire leur retour. C’est ce qu’a laissé entendre le ministre de la Santé Olivier Véran dans une interview au Journal du dimanche le 16 janvier dernier, citant une étude préliminaire publiée dans la revue MedRxiv. Elle suggère en effet que les tests salivaires seraient plus efficaces pour identifier rapidement les contaminations par le variant Omicron. En effet, il semblerait que celui-ci apparaît d’abord dans la bouche et la gorge avant de se loger dans le nez. Des études comparatives sont en cours, a dit le ministre.
-
Source : Interview de Franck Perez, directeur de l’unité biologie cellulaire et cancer à l’Institut Curie/CNRS - Journal du dimanche, le 19 janvier 2022
-
Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Dominique Salomon