Avortement : le délai légal pour une IVG passe de 12 à 14 semaines
23 février 2022
Après plusieurs allers retours avec le Sénat, l’Assemblée nationale a voté ce mercredi 23 février l’allongement de l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse (soit 14 à 16 semaines d’aménorrhée).
Les interruptions médicales de grossesse (IVG) pourront être pratiquées jusqu’à 14 semaines de grossesse. Contre 12 auparavant. Cette mesure votée par l’Assemblée ce 23 février a été prise pour donner plus de délai aux femmes et/ou couples découvrant leur grossesse tardivement et qui ne souhaitent pas garder leur enfant. Un temps supplémentaire notamment utile pour les personnes en situation de précarité éloignées des soins ou encore ou en cas de difficultés d’accès à la contraception.
Cet allongement du droit d’accès à l’IVG répond aussi aux délais souvent trop longs en France pour obtenir un rendez-vous médical et bénéficier de cet acte. Comme l’atteste le CNGOF*, « certains établissements de santé, tout particulièrement dans les grandes métropoles, déjà saturés et en manque de moyens, ne peuvent donner de [premier] rendez-vous avant 3 semaines, voire plus, lorsqu’ils sont sollicités ». Ainsi de nombreuses femmes et/ou couples n’ont d’autres choix que de se rendre à l’étranger pour pouvoir avorter. « Au moins 2 000 patientes seraient contraintes chaque année de se rendre à l’étranger pour cette raison (notamment en Espagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas) », renseigne le site vie-publique.fr.
Autre point le délai entre le premier rendez-vous et la programmation de l’IVG est aussi considérable. « Entre mai et juillet 2019, le délai s’écoulant entre la première demande en vue d’une IVG et la réalisation effective de l’acte est en moyenne de 7,4 jours en France. »**
Des voix contre
Selon le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), cet allongement n’est pas source « d’objection éthique ». En termes de complications obstétricales et selon les seules études publiées à ce jour, « il n’existe que peu, voire pas de différence entre 12 et 14 semaines de grossesse », rappelle le comité.
Reste que cette loi ne fait pas l’unanimité. La proposition de loi adoptée à l’Assemblée en première lecture le 8 octobre 2020 a en effet fait l’objet de deux rejets par le Sénat le 20 janvier 2021 et le 16 janvier 2022. L’un des points de discorde : « les difficultés d’accès voire des refus ponctuels de prise en charge des IVG tardives », lit-on dans la proposition de loi. Mais selon Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, « seulement 5 % des interruptions volontaires de grossesse ont été réalisées dans les deux dernières semaines du délai légal qui est actuellement de douze semaines, et il s’agit d’un acte considéré par les professionnels de santé eux-mêmes comme d’autant moins anodin qu’il est pratiqué tardivement au cours de la grossesse ».
Du côté des médecins, le dissensus se fait aussi sentir. Pour le CNGOF, qui s’était exprimé à ce sujet le 12 octobre 2020, à 12 semaines de grossesse, « une aspiration du contenu utérin est encore possible ». A 14 semaines, « il est nécessaire de dilater davantage le col utérin au risque de créer des lésions définitives, pouvant être responsables d’accouchements prématurés ultérieurs. Les gestes nécessaires au-delà de 12 semaines peuvent donc être sources de complications pour les femmes et leur pénibilité pourrait entraîner une désaffection des professionnels de santé qui les réalisent aujourd’hui ».
D’autres mesures ?
La loi prévoit d’autres mesures, notamment « le droit à la pratique de l’IVG chirurgical par les sages-femmes dans les hôpitaux, la suppression du délai de réflexion de deux jours, imposé afin de confirmer une demande d’avortement après un entretien psychosocial ». Autre mesure : « l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville à 7 semaines de grossesse (contre 5), comme c’est le cas depuis avril 2020 suite à la crise sanitaire et tel que l’a recommandé la Haute Autorité de santé ».
A noter : en France, près d’une femme sur trois a recours à l’IVG au cours de sa vie.
*Collège nationale des gynécologues et obstétriciens français
**Selon l’enquête commandée par l’ancienne ministre des Solidarités et de la santé aux agences régionales de santé et réalisée
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Source : Assemblée nationale – Sénat - Collège nationale des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), Ministère des Solidarités et de la Santé, Comité consultatif national d’éthique (CCNE), vie-publique.fr - Haute Autorité de santé (HAS)
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet