Baclofène : un bilan plutôt… négatif ?

28 juin 2018

Comme annoncé le 24 avril, l’ANSM publie son rapport sur la balance bénéfice/risque du baclofène. Bénéficiant d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) contre l’alcoolo-dépendance depuis 2014, ce myorelaxant ne semble pas faire ses preuves…

Après 6 mois de travail, le Comité Scientifique Spécialisé Temporaire, créé le 28 novembre 2017, publie son « évaluation du rapport bénéfice/risque du baclofène dans le traitement de patients alcoolo-dépendants ». Bilan, « les résultats d’efficacité des deux essais français, ALPADIR et BACLOVILLE, ont surtout souligné l’importance d’un « effet placebo » chez les patients ». Et quand l’efficacité du Baclofène a pu être « significativement mis en évidence par rapport au placebo, [le bénéfice] était incontestablement très faible ».

Les études à la loupe

Au cours de l’étude ALPADIR, 320 patients ont été recrutés à travers 39 centres de santé. Chaque volontaire a pris le baclofène (comprimés de 20 mg) ou un placebo par voie orale, à raison de 3 comprimés par jour. A 6 mois, « le taux d’abstinence continue dans le groupe placebo était de 10,5 % contre 11,9 % dans le groupe baclofène ».

Autre point, « 1 245 événements indésirables ont été signalés dans le groupe baclofène, contre 863 dans le groupe placebo ». Les plus fréquemment rapportés, sous baclofène et placebo, étaient : « la somnolence (44% vs 23,9%), l’asthénie (29,3% vs 21,4%), les vertiges (28,7% contre 10,7%) et l’insomnie (19,7% contre 13,8%). Viennent ensuite « la paresthésie (12,7% vs 3,14%) et les maux de tête (12,1% vs 8,8%). » Un cas d’apnée du sommeil a été rapporté et aucun décès associé au baclofène n’est survenu.

Dans l’étude BACLOVILLE, chacun des 320 volontaires a reçu « une dose de baclofène (ou placebo) jusqu’à 300 mg/jour, pendant un an ». Résultats, la consommation totale d’alcool entre le premier et le sixième mois de traitement a montré une diminution plus marquée dans le groupe baclofène. Mais l’écart n’est pas significatif.

Au total, « 1 301 événements indésirables (similaires à ceux observés dans ALPADIR ndlr) ont été signalés dans le groupe baclofène contre 812 dans le groupe placebo Les plus fréquemment rapportés étaient la somnolence (119 cas dans le bras baclofène contre 63 dans le bras placebo), l’asthénie (96 contre 50 pour le placebo), les vertiges (63 contre 26 pour le placebo) et l’insomnie (65 contre 43 pour le placebo) ». Quatre cas d’apnée du sommeil ont également été observés. Au total, 5 décès sur 6 observés dans le groupe baclofène sont liés au traitement.

Les limites des études…

Selon l’ANSM, ces résultats plutôt négatifs semblent être le fruit des limites des 2 études. En effet, la taille des cohortes n’était pas assez importante « pour assurer la robustesse du résultat sur le critère principal de l’étude ». Autre point, le manque de prise en compte d’un biais : le nombre important de patients sortis de l’étude, comme c’est souvent le cas dans « les études sur le traitement de l’alcoolisme (…) pour différentes raisons ».

Indépendamment de ces deux travaux, des données ont été obtenues dans le cadre du suivi national de pharmacovigilance du baclofène et du suivi de la RTU. Ainsi, « 40 cas de surdosage, 11 cas de syndrome de sevrage, 12 cas graves de dépendance au médicament ont été rapportés. Mais aussi 3 décès liés au baclofène (dont 1 cas d’intoxication volontaire), 37 cas de tentative de suicide et 1 suicide, 7 cas d’attaques de sommeil brutales et 2 cas d’apnée du sommeil, mais aussi des cas de mésusage ont été rencontrés chez 69 patients ».

Ainsi, « le rapport bénéfice/risque de l’utilisation du baclofène dans le traitement de patients alcoolo-dépendants est négatif », conclut l’ANSM.

A noter : selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), « la consommation d’alcool est une des composantes de plus de 200 maladies et états pathologiques, notamment la dépendance à l’alcool, la cirrhose du foie, les cancers… ». En France, on estime à 2 millions le nombre de personnes souffrant de dépendance à l’alcool. Et chaque année, 49 000 patients décèdent des suites de cette addiction.

  • Source : ANSM, le 27 juin 2018

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Dominique Salomon

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