Cancer : le pouvoir des thérapies ciblées
09 janvier 2015
Le crizotinib doit rester un traitement à vie chez les patients pour qui le traitement s’avère efficace. ©Phovoir
Lancé en juin 2013 par l’Institut national du Cancer (INCa), le programme AcSé propose un essai clinique à une centaine de malades du cancer en situation de rechute. Confronté à un échec des traitements, ils comptent sur l’efficacité des thérapies ciblées pour voir leur cancer régresser. L’enjeu pour la recherche : évaluer les bénéfices de ces molécules innovantes, aujourd’hui exclusivement réservées aux essais thérapeutiques.
A 69 ans, Raymond Dusselier est atteint d’un cancer du poumon depuis 2007, le sexagénaire a déjà suivi plusieurs chimiothérapies ainsi qu’un traitement pour irradier les cellules tumorales. En vain. « Pendant ces six années de combat contre la maladie, j’ai alterné entre phases de régression et nouvelles poussées, comme si le cancer perdait du terrain mais ne partait jamais totalement. »
C’est précisément ces patients – en rechute, et pour qui la chimiothérapie ne fonctionne plus – que le programme AcSé a été développé. « En juillet 2013, mon médecin m’a proposé 3 options : laisser la nature faire les choses, opter pour une chimiothérapie plus douce, ou participer à ce traitement expérimental. »
Une efficacité observée
Suivi au CHU de Caen, Raymond Dusselier a donc fait le choix d’intégrer le programme AcSé (Accès sécurisé à des thérapies ciblées innovantes) auquel participe une centaine de patients. La méthode : ingérer 2 cachets par jour de crizotinib, une molécule qui pourrait avoir des bénéfices contre 20 cancers différents (le cancer du poumon, certains types de lymphomes, le cancer colorectal ou encore le cancer du rein notamment).
« Les deux premiers mois, j’ai eu du mal à supporter les effets secondaires du traitement, comme d’intenses épisodes diarrhéiques et des troubles visuels. » Mais dans le même temps, la tumeur a réduit de 80%. Aujourd’hui, s’il est encore trop tôt pour parler de rémission, la maladie de Raymond Dusselier a régressé de 90% depuis le début de l’essai clinique.
Médecine de précision
Chez plusieurs patients inclus dans le programme, le cancer a ainsi perdu du terrain grâce à la prescription de crizotinib. Des signes d’espoir donc. « A ce stade de la maladie, ce traitement vient comme une ultime chance », précise le Pr Gilles Vassal, directeur de la recherche à l’Institut Gustave Roussy (Paris) et coordonateur de l’étude crizotinib.
« Les thérapies ciblées présentent en effet l’avantage d’être moins toxiques que les chimiothérapies ». Et pour cause, les tissus sains situés en périphérie des cellules cancéreuses ne sont pas touchés. « Aujourd’hui, on manque de recul pour évaluer précisément l’efficacité de ces traitements, ainsi que les cancers pour lesquels ils pourraient potentiellement être efficaces. »
Accès aux soins équitables
Par ailleurs, les thérapies ciblées agissent sur les cellules malades en fonction du type d’anomalies, et non en fonction de la localisation du cancer dans l’organisme. « Des traitements aujourd’hui utilisés pour un certain type de cancer pourrait avoir une efficacité sur d’autres tumeurs », précise le Pr Agnès Buzyn, président de l’INCa.
- En cas d’efficacité ? Ces essais cliniques pourraient déboucher sur le développement de nouveaux traitements. L’objectif, rendre le soin équitable auprès de tous. Au total, 150 structures hospitalières participent à cet essai clinique. On trouve sans distinction des CHU, des centres de lutte contre le cancer et des établissements de santé privés ;
- En cas d’échec ? « Si aucun signe d’efficacité n’est observé sur certaines tumeurs, la prescription inutile du médicament peut ainsi être évitée à d’autres patients ».
Au total, 20 à 40 patients ont été suivis par type de cancer. L’essai clinique doit s’étaler sur 18 mois. Pour confirmer l’efficacité du médicament, il faut que dans chacun de ces groupes, la tumeur régresse chez 20% des patients au minimum.
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Source : Institut National du Cancer (INCa), le 9 janvier 2015 – UNICANCER - Interviews de Raymond Dusselier et du r Gilles Vassal, directeur de la recherche à l’Institut Gustave Roussy (Paris) et coordonateur de l’étude crizotinib le 8 janvier 2015.
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Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Dominique Salomon