Cancer : les traitements à la loupe

03 février 2023

Toutes les avancées dans la recherche sur le cancer sont liées aux connaissances des mécanismes en jeu dans la transformation d’une cellule saine en une cellule tumorale. A l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer organisée ce 4 février., faisons le point sur les approches thérapeutiques élaborées sur la base de ces savoirs.

Les progrès dans la prise en charge des cancers se concrétisent d’années en années. Mais afin de cibler une mécanique, il faut d’abord en comprendre les rouages. Et les chercheurs ont du travail sachant qu’il existe à ce jour 200 types de cancers différents.

La clé du séquençage génétique

Premier point, sortir du concept selon lequel un cancer se caractériserait uniquement par sa localisation. Aujourd’hui, place « au séquençage génétique » des tumeurs qui permet aux médecins d’apposer « une signature moléculaire » pour chaque cancer, comme le précisent les spécialistes de l’Inserm en introduction d’un dossier sur le sujet*. Les scientifiques procèdent ainsi à l’analyse génétique de la cellule qui a présenté des anomalies dans sa division, à cause d’une ou plusieurs altérations du génome.

Cette lecture du cancer par le prisme des mutations génétiques individuelles ouvre la voie à des traitements personnalisés : la médecine de précision donc, qui comprend notamment les thérapies ciblées capables d’atteindre « les anomalies génétiques responsables de la prolifération des cellules cancéreuses ».

Les thérapies ciblées, épargner les cellules saines

Pour comprendre, prenons l’exemple du trastuzumab, le précurseur en la matière. Dans les années 2000, cet anticorps monoclonal a permis de cibler le gène HER2** dont la surexpression est commune aux 15% des femmes atteintes d’un cancer du sein HER2 positif. L’avantage est double : en plus « d’inhiber la prolifération des cellules cancéreuses*** », le trastuzumab protège les cellules saines de la destruction en ordonnant au système immunitaire de détruire seulement les cellules malades. « Ce type de thérapie occasionne beaucoup moins d’effets secondaires que les chimiothérapies habituelles qui détruisent les cellules en division, malignes ou non. »

A ce jour, 50 thérapies ciblées sont disponibles sur le marché de l’oncologie, et participent au traitement d’une « vingtaine de cancers comme le mélanome, les tumeurs gastro-intestinales, le cancer colorectal et celui du pancréas, ou encore certains lymphomes », précise l’Inserm. Reste que la thérapie ciblée n’est pas, non plus, la panacée. En effet, « tous les cancers ne présentent pas d’altérations génétiques qui pourraient être ciblées par ces traitements ».

Le cancer se lit dans une prise de sang

Les autres approches sont basées sur la détection des anomalies moléculaires (« traces d’ADN tumoral et cellules cancéreuses entières ») dans le sang, une technique permettant de détecter le cancer et de suivre son évolution dans le temps. Grâce à cette biopsie dite liquide, les médecins peuvent « compléter le diagnostic et le pronostic de certains cancers en décelant la présence de mutations. Il sera aussi bientôt possible de suivre l’évolution de la maladie, d’évaluer l’efficacité d’un traitement, de déceler d’éventuelles résistances ou encore de détecter des rechutes », détaille le Pr Paul Hofman, médecin oncologue et CHU de Nice, dans le dossier Inserm. Sans compter le caractère non invasif et non douloureux de la biopsie liquide qui ne nécessite pas d’hospitalisation et qui donc peut être effectuée régulièrement pour une surveillance accrue de la maladie.

La biopsie liquide est pratiquée dans le suivi de certains cancers du poumon, « mais encore trop rarement appliquée en France », regrette le Pr Hofman. A terme, cette méthode pourrait participer au dépistage des populations à risque. Un sujet largement évoqué dans la prévention du cancer du poumon chez les fumeurs et anciens fumeurs : un essai mené par l’Institut national du Cancer (INCa) et le département des Alpes-Maritimes vient d’ailleurs de commencer auprès de 2 600 fumeurs et anciens fumeurs de plus de 50 ans ayant consommé au moins un paquet pendant 20 ans.

Solliciter l’immunité

L’immunothérapie, elle, a permis d’améliorer nettement l’espérance de vie des patients atteints de mélanome métastatique par exemple, en passant « de douze mois maximum auparavant à plus de dix ans, grâce à une meilleure compréhension du dialogue entre les cellules tumorales et nos défenses immunitaires », détaille l’Inserm. Et certains de ces anticorps spécifiques**** s’avèrent aujourd’hui efficaces dans la prise en charge des cancers « de l’estomac, de l’œsophage, de la vessie ou encore des voies aériennes supérieures ». Ils permettent notamment de « réduire la taille de la tumeur avant la chirurgie ». Reste qu’ils engendrent des « effets secondaires importants et seulement une fraction des patients répond favorablement à ces traitements ».

Une dernière solution, basée sur le système immunitaire, les CAR-T cell. Cette stratégie thérapeutique consiste à « prélever par prise de sang des lymphocytes T du patient (cellules de l’immunité, ndlr) avant d’y introduire in vitro un gène qui va leur permettre de reconnaître les cellules tumorales (…) et de les détruire », décrit le Pr Karin Tarte (CHU de Rennes) dans le dossier de l’Inserm.

A noter : d’autres pistes thérapeutiques consistent à cibler les mécanismes d’épigénétique, soit la propension de certains gènes à s’exprimer ou non en fonction de l’environnement (exposition à certains polluants, tabagisme…). Ou encore à empêcher les cellules cancéreuses de produire une énergie leur permettant de résister aux traitements.

*Inserm Le Magazine 55, décembre 2022
**le gène HER2 est également identifié dans la survenue de certaines tumeurs gastriques
***en se fixant sur les récepteurs du gène HER2
****inhibiteurs des points de contrôle immunitaire

  • Source : Inserm Le Magazine 55, décembre 2022

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Édité par : Emmanuel Ducreuzet

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