Chikungunya ? Marchez droit, crénom !
03 mars 2006
Qu’on se le dise, c’est un militaire qui conseille le Préfet de La Réunion sur les questions de santé. Et il est fâcheux selon lui, que l’on laisse à penser que la campagne de démoustication de l’île n’est peut-être, que de la poudre aux yeux.
Avec cinq galons, ce Médecin en chef est aussi tigré que l’Aedes Albopictus ! Il a vivement réagi à la diffusion hier, par Destination Santé, d’une interview de l’ancien Inspecteur général de la Recherche à l’IRD et entomologiste réputé René Le Berre. Car cet entretien, également diffusé sur les ondes et qui a servi de base à un long article du Journal de l’Île de La Réunion, met en cause le bien-fondé des actions entreprises par les pouvoirs publics.
Dans un message à René Le Berre, il affirme ainsi que “la parution d’un article (…) transcrivant une interview que vous avez donné soulève des vagues dans les services de l’Etat et en particulier chez le Préfet. Je suis diligenté par le Préfet pour vérifier (…) si les propos qui vous sont attribués sont réels ou s’ils ont été déformés. Par ailleurs une bande son (…) de 1 minute et 30 secondes est disponible sur le site destinationsante.com. On y entend certains de vos propos mais pas les questions auxquelles vous répondez et on ne peut donc savoir si le propos transcrit est ou non le reflet exact de votre interview.” Comme il est impensable qu’un expert de renom rompe l’omerta, un journaliste mal intentionné -pardon pour le pléonasme…- a nécessairement déformé ses propos. C’est même tellement sûr que ce “conseiller” bien mal avisé ne s’est pas donné la peine de vérifier l’information auprès de l’émetteur.
Esprit de camaraderie…
Il arrive dans certaines sociétés, que la presse soit ainsi placée sous le régime de la présomption de culpabilité. Mais ces sociétés-là se trouvent habituellement assez loin à l’est pour que nous nous sentions protégés de telles pratiques…
Bien sûr, la fâcherie du colonel est explicable. “Il est certain que l’article (…) porte gravement préjudice à l’action difficile de l’Etat à La Réunion et se place en totale contradiction avec la position de tous nos camarades (…) et de la mission entomologique de l’OMS qui est passée ces derniers jours ici et qui a été reçue par le Premier ministre. (…) Il est douloureux de subir un tel désaveu dans la presse à sensation sous la signature d’un expert reconnu et respecté comme vous.“.
Qu’il attache du prix à l’opinion de ses camarades est louable. Il devrait cependant les convaincre de répondre aux questions que leur posent les journalistes. A Destination Santé, les deux experts évoqués par cet officiel -nous tairons leur identité pour ne pas ajouter à leur infortune- ont décliné de répondre à nos questions. Quant au ministère de la Santé, nous attendons toujours qu’il nous rappelle. A l’heure où nous mettons en ligne, cela représente plus de 48 heures d’attente infructueuse…
Un rapport public mais… protégé contre l’impression
Quant à taxer Destination Santé d’appartenir à la “Presse à sensation“… Comme on y va ! Nos lecteurs savent avec quel luxe de précautions nous traitons l’information. Ils n’ignorent pas que nous allons aux meilleures sources internationales ou nationales. Le rapport conjoint de la ‘Mission d’appui à la lutte contre l’épidémie de chikungunya à La Réunion‘, remis en janvier 2006 par l’IGAS, l’IRD et l’InVS, est explicite. Il y est dit (page 28) que ” dans l’état actuel il est très difficile de juger de l’efficacité des actions de lutte antivectorielle mises en place et ceci pour deux raisons : en l’absence de données sur la sensibilité du vecteur ae. albopictus vis-à-vis des insecticides utilisés, il est impossible de juger leur efficacité intrinsèque ; en l’absence d’outil permettant le suivi des densités de vecteurs, il est impossible de juger l’efficacité des traitements effectués“. Voilà qui est clair.
Mais alors pourquoi diable ce rapport, puisé sur le site de l’InVS, est-il protégé contre l’impression ? Nos lecteurs savent enfin que notre Conseil scientifique compte dans ses rangs des personnalités de renom international. Et surtout peu suspectes de complaisance. Mais le Conseiller du Préfet de La Réunion n’est pas de nos lecteurs. Il devrait bien pourtant, car il serait ainsi mieux informé. Quant à vous chers et fidèles lecteurs, continuez de nous lire… et de nous faire confiance. A bientôt pour la suite d’une affaire qui décidément, ne manque pas de piquant.