Citoyen sauveteur, quand sauver des vies est à la portée de chacun

16 juin 2025

Un citoyen sauveteur, c’est vous, c’est moi, c’est toute personne, idéalement formée aux premiers secours, inscrite sur une application mobile connectée aux services de secours. Alertée en cas d’arrêt cardiaque ou de détresse vitale à proximité, elle peut intervenir avant l’arrivée des professionnels, commencer un massage cardiaque, utiliser un défibrillateur… et ainsi contribuer à sauver une vie. Le Pr Stéphane Travers, médecin-chef de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, explique pourquoi chaque minute compte.

Pourquoi misez-vous sur la participation des citoyens sauveteurs ?

Pr Stéphane Travers : En France, 40 000 personnes meurent chaque année d’un arrêt cardiaque. Dans 70 % des cas, celui-ci survient devant témoin. Or, le taux de survie reste inférieur à 10 %. La réanimation cardio-pulmonaire par des témoins reste trop rare et, à moins de se trouver juste en face d’un hôpital ou d’une caserne, les premiers secours – pompiers ou SAMU – n’arrivent qu’au bout de quelques minutes sur le lieu d’un arrêt cardiocirculatoire.

De combien de temps disposons-nous ?

En deux mots, le cœur est une pompe qui peut s’arrêter ou dysfonctionner, et le massage cardiaque maintient la circulation sanguine en attendant l’arrivée des secours, tandis que le défibrillateur rétablit le rythme électrique normal.

Après un arrêt cardiocirculatoire, le taux de survie baisse de 10 % chaque minute en l’absence de massage cardiaque. Après 7 à 8 minutes, ces chances deviennent donc très faibles. D’où l’intérêt qu’une personne formée soit présente au moment de l’arrêt cardiaque ou sur place en quelques minutes. Et même dans l’idéal, plusieurs « bons samaritains », car il faut à la fois débuter un massage cardiaque et apporter un défibrillateur. Tenir le rythme pendant dix minutes est aussi très éprouvant et mieux vaut se relayer.

C’est tout l’intérêt des applications de citoyens secouristes (il en existe deux en France : Staying alive et Sauv Life, utilisées par les différents services de secours), qui permettent d’alerter des volontaires formés pour qu’ils viennent effectuer un massage cardiaque à la victime d’un arrêt cardiocirculatoire et/ou, d’amener un défibrillateur sur place. Pour sa part, Staying alive est mis gracieusement à la disposition des secours professionnels (pompiers et SAMU). Tout citoyen sauveteur s’inscrit gratuitement. Elle permet également aux témoins d’un arrêt cardiaque de géolocaliser le défibrillateur le plus proche et aux secours de les déclencher à distance (système géocoeur) pour solliciter un passant en mesure de l’acheminer vers les lieux.

Chaque inscrit trouve également sur l’application des aides cognitives pour mieux agir en cas d’urgence.

Qui peut devenir citoyen sauveteur ?

Toute personne, avec ou sans formation aux gestes de premiers secours peut s’inscrire dans ces applications. Celles qui sont formées peuvent pratiquer un massage cardiaque ou utiliser un défibrillateur. Les autres peuvent aussi jouer un rôle essentiel en allant chercher le défibrillateur le plus proche. Par exemple, Staying Alive répartit intelligemment les rôles entre les citoyens sauveteurs volontaires, en fonction de leur localisation et de leur niveau de formation.

Quelle est l’efficacité de la participation de ces bons samaritains en cas d’arrêt cardiocirculatoire ?

Le bilan de la première année d’expérience de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (publiée en 2020) avait mesuré un taux de survie à la sortie de l’hôpital de 35 % dans le groupe bénéficiant de l’intervention d’un citoyen sauveteur, contre 16 % lorsqu’aucun n’avait pu se rendre sur les lieux. Nous avons estimé que l’activation de Staying alive pouvait multiplier par six les chances de survie, dès lors que des secouristes formés et disponibles se trouvent à moins de 500 mètres de l’événement

Depuis, le nombre d’inscrit sur Staying Alive ne cesse d’augmenter (400 000 en mai 2025 dont 25 000 en Ile-de-France), mais les efforts doivent être poursuivis. Car plus le maillage en citoyens sauveteurs sera dense, plus de vies seront sauvées. En métropole, 88 départements utilisent Staying Alive. Plus de 70 000 interventions ont été déclenchées à la demande des secours, dont 22 000 en 2024. L’objectif à long terme est d’atteindre 80 % de la population formée, et de recruter un maximum d’inscrits sur Staying Alive.

La France a longtemps accusé un retard important dans la formation aux gestes qui sauvent, mais la situation progresse depuis dix ans grâce à des formations courtes, parfois d’une heure. L’objectif est que la majorité des Français soient sensibilisés, voire formés, y compris dès l’école, car même une initiation brève suffit à agir efficacement et à mieux comprendre les conseils prodigués par l’opérateur au téléphone en cas d’arrêt cardiaque.

Quelles sont les questions que vous recevez sur Staying Alive ?

Les questions fréquentes concernent la fréquence des sollicitations. La réponse est que cela reste très rare à l’échelle individuelle. Certains n’en recevront jamais, d’autres plusieurs fois.

De plus, personne n’est obligé de répondre à une alerte : il est possible de refuser, d’ignorer la notification, ou de ne pas être disponible, sans aucune conséquence ni responsabilité légale. De plus, pour respecter la vie privée, seuls ceux qui acceptent la notification sont géolocalisés et visibles par le système.

Autre point, il est possible de s’inscrire même sans formation professionnelle au secourisme, car chaque niveau d’implication compte, qu’il s’agisse d’effectuer un massage cardiaque ou simplement d’aller chercher un défibrillateur. En cas d’intervention, une assistance téléphonique guide pas à pas la personne, même non formée, avec des consignes simples et efficaces. Faire quelque chose, même si ça n’est pas parfait, améliore déjà les chances de survie de la victime.

 

 La chaîne de survie. Il faut penser à l’arrêt cardiaque lorsqu’une personne perd conscience et présente une respiration anormale ou absente. L’urgence est d’appeler le 112 immédiatement puis de commencer un massage cardiaque en réalisant 100 à 120 compressions par minute au centre du thorax, en enfonçant de 5 à 6 cm. Un défibrillateur doit être recherché et utilisé dès que possible en suivant les instructions vocales. Rester auprès de la victime jusqu’à l’arrivée des secours sans retirer les électrodes.

 

Pour en savoir plus https://stayingalive.org

  • Source : Interview du Pr Stéphane Travers, médecin urgentiste au sein du service de santé des armées et médecin-chef de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (réalisée le 28 mai 2025) ; Derkenne C, Jost D, Roquet F, et al. Mobile Smartphone Technology Is Associated With Out-of-hospital Cardiac Arrest Survival Improvement: The First Year "Greater Paris Fire Brigade" Experience. Acad Emerg Med. 2020 Oct;27(10):951-962.

  • Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet

Destination Santé
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