Confinement : la myopie, l’autre épidémie ?
14 janvier 2021
Les confinements durables et successifs ont-ils un effet sur notre vision ? Il semblerait que oui, et tout particulièrement chez les plus jeunes, révèle une étude menée en Chine sur plus de 120 000 enfants. Déjà importante, la prévalence de la myopie a significativement augmenté chez les 6-8 ans.
En Chine, la question de la myopie est prise très au sérieux. Et pour cause : en 2012, la revue The Lancet avait publié une étude évaluant à près de 90% la proportion de jeunes souffrant de ce trouble de la vision à la fin du lycée. S’ils nécessitaient une simple correction pour la majorité, jusqu’à 20% étaient menacés par des pathologies importantes à cause de la sévérité de leur myopie. Des pathologies pouvant aller jusqu’à la cécité.
L’étude s’était intéressée aux causes possibles de cette prévalence très importante de la myopie, qui se caractérise par une vision nette de près et floue de loin. Elle avait conclu qu’elle n’était sans doute pas liée à la génétique mais plutôt à l’environnement, avec des changements de mode de vie réduisant le temps passé à l’extérieur et augmentant celui passé devant des écrans. Or, l’exposition à la lumière naturelle est nécessaire au bon développement de la vision de l’enfant.
Prévalence multipliée par trois
Réduction du temps passé à l’extérieur et augmentation de celui passé devant les écrans, c’est précisément le régime auquel ont été soumis des millions d’individus à travers le monde en 2020, au gré des confinements liés à la crise sanitaire. En Chine, il a duré 5 mois, de janvier à mai 2020, et les enfants sont retournés à l’école en juin. Une équipe composée de chercheurs chinois et américains a donc voulu savoir si ces conditions avaient pu favoriser ou accélérer l’apparition de la myopie chez les petits chinois.
Publiée dans le JAMA Ophtalmology, leur étude a comparé les résultats de tests de la vue pratiqués sur plus de 120 000 enfants âgés de 6 à 13 ans, entre 2015 et 2020. Les résultats sont sans appel chez les enfants âgés de 6 à 8 ans : en 2020, ils ont en moyenne « perdu » 0,3 dioptries, l’unité de mesure de l’acuité visuelle. « La prévalence de la myopie a été multipliée par 1,4 à 3 en 2020 par rapport aux cinq années précédentes », commentent les chercheurs. Dans le détail, la proportion d’enfants de 6 ans atteints de myopie a dépassé les 21% en 2020 (5,7% entre 2015 et 2019) ; 26% pour les enfants de 7 ans (contre 16,2%) et 37% pour ceux de 8 ans (contre 27%).
Des changements ont également été observés chez les enfants de 9 à 13 ans, mais jugés non significatifs par les chercheurs. Ils expliquent leurs résultats par la possible plus grande sensibilité des plus jeunes aux changements environnementaux, ici le temps passé devant un écran pour l’école à la maison, « dans une période critique pour le développement de la myopie ». Ils estiment nécessaires des études supplémentaires et le suivi à long terme de ces enfants. D’autres chercheurs publiés dans le JAMA Ophtalmology jugent eux qu’en cas de nouveaux confinements, il serait judicieux de ne pas restreindre les jeux extérieurs des jeunes enfants, pour aider à contrer une vague de « myopie de quarantaine ».
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Source : The Lancet – JAMA Ophtalmology, consultés le 14 janvier 2021
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Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Emmanuel Ducreuzet