Consommation d’alcool : un enjeu de santé publique sous-estimé
26 octobre 2023
La Haute autorité de santé (HAS) dénonce « un sous-diagnostic des conduites d’alcoolisation » et publie de nouvelles recommandations pour « un repérage systématique de tous les usages ». Elle vise un meilleur accompagnement des patients, même pour ceux qui ne cochent pas toutes les cases de l’addiction.
La consommation d’alcool est-elle un enjeu de santé publique suffisamment pris au sérieux par les professionnels de santé ? L’alcool demeure la substance psychoactive la plus consommée en France. 87 % des personnes âgées de 18 à 75 ans en ont consommé dans l’année de même que 77 % des jeunes de 17 ans. Et près de la moitié d’entre eux pratiquent ce qu’on appelle le binge drinking, une consommation ponctuelle très importante dans un court laps de temps.
« Les résistances des professionnels de santé » dans le viseur
Les chiffres fournis par la Haute autorité de santé sont sans appel. Mais la HAS juge inadaptée la réponse du système de santé. « On observe ainsi l’absence de repérage systématique et généralisé de l’usage de l’alcool, mais également un sous-diagnostic des conduites d’alcoolisation et de leurs complications. Aujourd’hui encore, beaucoup de professionnels pensent que l’alcool n’est une question légitime qu’aux stades avancés du trouble de l’usage d’alcool (addiction) », alerte la HAS dans un communiqué du 26 octobre.
Avec la publication de nouvelles recommandations, elle espère faire sauter les résistances des professionnels de santé « socialement et culturellement exposés à l’alcool et à ses représentations, comme tout autre citoyen ».
Protéger les patients et leur entourage
La HAS souhaite ainsi impliquer davantage les professionnels de premier recours, ceux vers qui se tournent en premier lieu les patients. Il s’agit des dentistes, diététiciens, infirmiers, médecins généralistes, pédiatres, pharmaciens, professionnels de la médecine du travail, gynécologues, sages-femmes, professionnels de PMI, professionnels des milieux scolaires et universitaires, professionnels des urgences, psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux et médico-sociaux. Objectif : s’appuyer sur eux « pour diminuer le risque associé à l’alcool via un repérage systématique, précoce, régulier de tous les usages et l’accompagnement de chaque personne, quelle que soit sa situation particulière ».
Pour rappel, la majorité des dommages liés à l’alcool concernent des personnes qui ne souffrent pas d’addiction. L’alcool est la première cause d’hospitalisation, seconde cause de mortalité évitable et de cancer évitable. Elle affecte aussi les autres : les troubles du neurodéveloppement liés à l’alcoolisation fœtale représentent 0,5 % à 1 % des naissances, l’alcool est impliqué dans 30 % des accidents mortels de la route et 30 % des cas de violences sexuelles, physiques ou psychiques.
A noter : selon le baromètre 2017 de Santé publique France, seules 16,8 % des personnes âgées de 18 à 75 ans ayant consulté un médecin généraliste dans les 12 derniers mois, rapportaient que la question de la consommation d’alcool avait été discutée. 87 % d’entre eux jugeaient pourtant normal que leur médecin les interroge sur ce sujet.
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Source : Dialogue entre médecin généraliste et patient : les consommations de tabac et d'alcool en question, du point de vue du patient, Santé publique France, 2020 – Alcool : accompagner chaque personne à diminuer son risque, HAS, 26 octobre 2023
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet