Contre l’antibiorésistance : un modèle-animal pour étudier les phages
24 novembre 2021
Depuis quelques années, les scientifiques redécouvrent l’intérêt des phages. Chacun de ces virus présents dans l’environnement s’attaque à une bactérie en particulier. Pour mieux les identifier et les étudier, une équipe franco-américaine a développé un modèle animal. Explications.
Les bactériophages, qui « mangent » les bactéries, ont longtemps été les seuls recours contre les infections bactériennes. Mais avec la découverte de la pénicilline, premier médicament antibiotique mis au point par Alexander Fleming en 1928, ils ont progressivement été délaissés. Désormais, ils constituent un espoir pour les cas d’infections résistantes aux antibiotiques, ne répondant plus à ces traitements.
Le hic ? A chaque bactérie correspond un seul phage dans l’environnement. Il faut donc identifier le virus capable de s’attaquer à la bactérie responsable de l’infection pour traiter efficacement le patient. De plus, les modèles in vitro sur des cellules en culture ne permettent pas de visualiser les phénomènes biologiques à l’œuvre lors de l’injection du phage. C’est pourquoi l’équipe de Laurent Kremer* a développé un modèle animal de recherche utilisant le poisson-zèbre. « Nous pouvons infecter ses embryons transparents, puis directement y visualiser le devenir du foyer infectieux sous l’action d’interventions thérapeutiques et/ou de l’immunité », explique-t-il.
En association avec des antibiotiques
C’est la bactérie Mycobacterium abscessus, une mycobactérie particulièrement dangereuse, spécialement pour les personnes atteintes de mucoviscidose, qui a permis de valider ce modèle. L’équipe française s’est basée sur les travaux de Graham Hatfull, un spécialiste américain des mycobactériophages. Celui-ci avait identifié en 2019, « trois phages efficaces contre une souche de M. abscessus ». Une patiente atteinte de mucoviscidose gravement malade et ne répondant à aucun traitement avait bénéficié d’un traitement à titre compassionnel avec un cocktail qui combinait ces trois phages avec des antibiotiques. Ce qui lui avait permis de se rétablir.
L’équipe montpelliéraine a utilisé un des trois phages sur le modèle de poisson-zèbre porteur de la même anomalie génétique que les personnes atteintes de mucoviscidose. « Son administration sur une période de 5 jours en association avec un antibiotique, la rifabutine, a permis d’obtenir une réduction significative de l’infection, du nombre d’abcès ainsi qu’une augmentation de la survie des embryons de poisson-zèbre infectés par M. abscessus », indiquent les chercheurs français.
Ce nouveau modèle d’étude constitue donc un espoir dans l’identification des phages efficaces contre telle ou telle infection et « pourrait aboutir à la mise en place d’un outil destiné à évaluer l’efficacité de combinaisons thérapeutiques phage(s)/antibiotique(s) », concluent les scientifiques.
*UMR 9004 CNRS/Université de Montpellier, équipe Pathogénie mycobactérienne et nouvelles cibles thérapeutiques, Institut de recherche en infectiologie de Montpellier