Phagothérapie : l’avenir dans la lutte contre l’antibiorésistance ?
20 septembre 2017
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Guérir d’une infection résistante à tout antibiotique ? C’est ce qu’ont réussi deux patients des Hospices Civils de Lyon grâce à des phages. L’utilisation de ces virus mangeurs de bactéries, cultivés par une société française, a été autorisée à titre compassionnel. Aucun ne bénéficie d’autorisation de mise sur le marché.
« Deux patients atteints de sévères infections ostéoarticulaires qui ne pouvaient plus cicatriser ont bénéficié, à titre compassionnel, d’un traitement par phages », expliquent les Hospices Civils de Lyon (HCL). Résultat, « l’infection a rapidement été contrôlée ». Et ce alors que tous les autres traitements avaient échoué. « Il n’y a rien de nouveau ni de surprenant dans cette guérison », souligne le Dr Olivier Patey, spécialiste des phages à l’Hôpital Villeneuve Saint Georges. « La seule nouveauté réside dans le fait que les phages utilisés ont été fabriqués pour la première fois en France. »
Des prédateurs, source d’espoir
Les phages sont des virus prédateurs de bactéries. Naturellement présents dans les endroits où celles-ci prolifèrent, il est facile de les récupérer. « Découverts dans les années 20, ils ont été oubliés avec l’arrivée des antibiotiques », précisent les médecins du CHU de Lyon. « Seuls certains pays de l’Est (Géorgie) ont continué à les utiliser pour traiter les infections. » La résistance aux antibiotiques fait à présent d’eux une thérapie alternative intéressante en cas d’infection résistante.
Pour les deux patients lyonnais, la société Pherecydes Pharma a sélectionné des phages parmi sa collection interne, après les avoir testés sur les bactéries mises en cause. Les résultats du « phagogramme » ont permis de choisir les phages les plus actifs et de fournir un traitement sur mesure. « Après la préparation magistrale réalisée par la pharmacie de l’hôpital, les bactériophages sélectionnés ont été appliqués sur le site de l’infection ostéoarticulaire, avec une excellente tolérance et des résultats positifs, en association avec d’autres procédures et traitements », se félicitent les médecins.
Essais cliniques à venir
« Pherecydes Pharma travaille depuis plusieurs années avec les équipes de recherche dans le cadre des essais cliniques sur les phages. Notamment dans le travail mené auprès des grands brûlés intitulé Phagoburn », raconte Olivier Patey. Mais le développement de ces traitements alternatifs aux antibiotiques reste bien lent. « De nombreux patients en échec thérapeutique vont en Géorgie pour être ainsi traités et éviter d’être amputés », expliquent les médecins lyonnais.
« Nous sommes impatients d’explorer [cette] piste thérapeutique prometteuse pour lutter contre l’antibiorésistance. Cela pourrait augmenter significativement les guérisons dans les infections ostéoarticulaires », s’enthousiasme le Pr. Tristan Ferry, médecin au centre de référence des infections Ostéo-articulaires de l’hôpital de la Croix Rousse-HCL.
Dans le cadre du consortium PHOSA dans lequel les HCL et Pherecydes Pharma sont partenaires, « des essais cliniques vont être prochainement lancés pour traiter les infections ostéoarticulaires avec ces guérisseurs d’un autre genre », précise-t-il.
A quand des centres de référence ?
La réintroduction des phages en France sera-t-elle enfin bientôt d’actualité ? « Cela fait 20 ans que nous travaillons à cela », rappelle le Dr Patey. Mais pour que des phages obtiennent des autorisations temporaires d’utilisation, il faudrait que les tutelles interviennent ». En effet, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) doit « donner son accord de qualité sur ces médicaments vivants ». Et concernant la mise en place de centres de référence, demandée par les spécialistes depuis des années, « toujours rien n’est enclenché », se désole Olivier Patey.
A noter : l’ANSM a créé un comité spécial sur les phages il y a 18 mois.
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Source : Hospices Civils de Lyon, 20 septembre 2017 – interview d’Olivier Patey de l’Hôpital Villeneuve Saint Georges 19 septembre 2017
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Vincent Roche