Covid-19 : le cœur des jeunes et moins jeunes peut souffrir
30 avril 2020
Les poumons mais aussi le cœur sont les endroits où il existe le plus de récepteurs possibles pour le virus. Focus sur les complications cardiovasculaires liées au Covid-19, avec le Pr Ariel Cohen, président de la Société Française de Cardiologie (SFC) et du Pr Alain Furber, président de la Fédération Française de Cardiologie (FFC).
« Les patients atteints de maladies cardiovasculaires paient un lourd tribut en termes de surmortalité liée au Covid-19 », décrit le Pr Ariel Cohen, président de la Société Française de Cardiologie (SFC).
En effet, « on sait que l’infection Covid-19 présente un sur-risque de complications chez les patients souffrant de pathologies cardiovasculaires et neurovasculaires ». Du fait de ces fragilités en majorité rapportée chez les patients âgés de plus de 65 ans, « le risque de décompensation est lié aux conséquences de l’inflammation », dans le cas « d’une arythmie cardiaque, d’une insuffisance cardiaque, d’une déstabilisation d’une maladie coronaire » par exemple.
Des manifestations cardiovasculaires chez les jeunes sans comorbidités
Mais des patients sans facteur de risque peuvent aussi exprimer des atteintes cardiovasculaires, dès lors qu’ils ont contracté le SARS-CoV-2. « Ce coronavirus peut être à l’origine de maladies cardiovasculaires aiguës survenant sur un cœur à priori sain, comme la myocardite, la péricardite, l’infarctus du myocarde ou la dysfonction myocardique, indépendamment de l’état pré-existant du patient », rapporte le Pr Cohen.
Comment expliquer ces atteintes chez des patients jeunes ne présentant pas de facteurs de risque particuliers ? « Des travaux sont en cours à ce sujet. La question est pourquoi un patient fait une myocardite aiguë fulgurante gravissime et un autre patient au même âge sans facteur favorisant particulier ne fait pas de myocardite aiguë, mais fait une infection ORL avec un cortège infectieux banal », décrit le Pr Cohen.
Comme le rappelle le Pr Alain Furber, président de la Fédération Française de Cardiologie (FFC), « on a encore beaucoup de données manquantes, en particulier sur la façon dont le virus entre dans les cellules. Ce serait plus ou moins lié aux récepteurs de l’angiotensine, mais comment précisément ? A ce jour, la recherche n’est pas encore conclusive pour permettre de comprendre tous les mécanismes ».
Dans quel délai surviennent ces fragilités cardiaques ? « On distingue des atteintes directes, liées au fait que le virus va se fixer sur les cellules du myocarde », détaille le Pr Furber. « Au début, ces complications étaient déconcertantes, avec des myocardites, des troubles du rythme graves, de l’insuffisance cardiaque dans un contexte d’infection Covid-19. »
D’autres atteintes surviennent dans les jours suivant la contamination : on parle « d’impact sur le cœur de la réaction inflammatoire tardive, probablement lié à l’interaction avec l’angiotensine 2, une protéine qui joue un rôle vasoconstricteur et pro-inflammatoire ». Ainsi, « à J+5, au début des symptômes, on observe des cas de myocardite avec très rapidement une dysfonction ventriculaire gauche et des troubles du rythme ventriculaire », souligne le Pr Furber.
Et pour les cas les plus graves, « en réanimation, nous avons vu des phénomènes thrombotiques ou thrombo-emboliques veineux et artériels. Ces patients étaient dans un état respiratoire préoccupant avec des profils cardiaques réputés normaux, et décompensés par une embolie pulmonaire sur-ajoutée », détaille le Pr Cohen. « Nous avons maintenant la confirmation que le risque de maladies thrombo-emboliques veineuses est majoré de façon très importante chez ces patients. Un phénomène complexe également de thrombose artérielle pulmonaire in situ, au contact des zones parenchymateuses infectées. »
Comment repérer les patients présentant un sur-risque de mortalité par complications cardiovasculaires liées au Covid-19 ? « On repère les atteintes cliniques comme le surpoids, facteur majeur d’inflammation, ainsi que des facteurs métaboliques qui lui sont liés, diabète tout particulièrement mais également HTA », poursuit le Pr Cohen. « D’autres biomarqueurs permettent de reconnaître les patients présentant un sur-risque de mortalité. C’est le cas par exemple des taux de troponine élevé observé dans 1 cas sur 2 de patients décédés dans l’expérience chinoise. » Cette protéine est un marqueur de la nécrose des cellules myocardiques.
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Source : Interview du Pr Ariel Cohen, président de la Société Française de Cardiologie (SFC) et du Pr Alain Furber, président de la Fédération Française de Cardiologie (FFC), le 24 avril 2020
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet