Crise sanitaire : l’amitié à l’épreuve de l’éloignement social
30 avril 2021
Depuis mars 2020, les confinements successifs et les vagues pandémiques ont bouleversé nos relations sociales. Les 1 700 bénévoles de SOS Amitié figurent en première ligne pour observer l’impact de cette crise sanitaire sur le lien d’amitié. Quels que soient les âges.
Une « écoute bienveillante, gratuite, anonyme et confidentielle »… Avant mars 2020, SOS Amitié* recevait entre 5 000 et 6 000 appels par jour, au niveau national. Depuis ? « Nous constatons une augmentation de 40%, avec des pics à 10 000 appels par jour », explique Jean-Jacques Pirez, Président de la section Ile-de-France. Les « habitués », comme il les nomme, sont toujours là : dans 50% des cas il s’agit de personnes qui relèvent d’une prise en charge psychologique ou psychiatrique, de la dépression jusqu’à la schizophrénie. Dans l’autre moitié des cas, des personnes seules âgées bien souvent, ou qui peinent à se socialiser pour diverses raisons.
Usure, lassitude
A cette population est venue s’ajouter des « primo-appelants », au cours de deux phases distinctes : de mars à septembre avec l’écoute de personnes angoissées par la peur de perdre leur emploi, de contracter la maladie ou les effets du confinement. « Sans oublier les plus de 65 ans, isolés de leur famille et/ou en EHPAD, où ils ont aussi pour beaucoup, côtoyés la mort », poursuit-il. Avant de décrire une seconde phase depuis septembre-octobre 2020 : « nous ressentons une importante usure, une lassitude forte, et observons l’arrivée en masse au bout du fil, de profils jusque-là peu représentés : les moins de 25 ans ».
Certains évoquent « une perte de liens » ou « une dégradation des relations amicales ». Mais « beaucoup appellent parce qu’ils se sentent isolés et non pas parce qu’ils sont seuls », nuance le bénévole. « Pour la plupart, ces jeunes ont un cercle familial et amical. Mais ils cherchent un espace d’expression, un écoutant neutre ». Comment l’interpréter ? « Ils voient moins ou peu leurs amis et ne les appellent pas d’emblée pour dire qu’ils ne vont pas bien. C’est compliqué à faire », glisse Jean-Jacques Pirez qui évoque par ailleurs les « cafés fermés. Or ce sont des lieux importants pour socialiser. Ou pour prendre le temps de se poser avec un ou une amie et se confier. Là, ce n’est plus possible ».
Besoin de proximité physique
Mis en avant par la sociologue Claire Bidart (CNRS – Université d’Aix-Marseille), ces jeunes souffrent également de la perte de la proximité physique dans la relation à l’autre. Il s’attarde particulièrement sur le cas des adolescents. « La petite poignée qui faisait auparavant appel à notre association, conversait par le tchat. Avec la crise, la nouveauté, c’est qu’ils nous appellent, au téléphone, moyen de communication chose que les ados utilisent peu. C’est une évolution dans la relation à l’autre et nous ressentons qu’ils ont besoin de retrouver une forme de proximité ». Et de conclure : « les jeunes ont besoin d’être entourés de leurs pairs et en mesure de se projeter dans un futur. Depuis plus d’un an, ils n’ont rien de tout cela… »
*SOS Amitié : 09 72 39 40 50 / Anonyme et gratuit 24h/24 7j/7
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Source : Interview de Jean-Jacques Pirez, 29 avril 2021
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Ecrit par : David Picot – Edité par : Emmanuel Ducreuzet