Dépakine : au moins 14 000 victimes
06 avril 2017
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Dans son livre, à sortir ce 6 avril, Dépakine, le scandale sanitaire, Marine Martin, la présidente de l’Apesac évalue à 14 000 le nombre de victimes du valproate de sodium. Il s’agit d’une sous-estimation selon elle. Les autorités n’ont de leur côté toujours pas fourni de chiffres officiels.
Connaître précisément le nombre de victimes de la Dépakine et de ses génériques. Voici l’objectif de Marine Martin, la présidente de l’Association d’Aide aux Parents d’Enfants souffrant du Syndrome de l’Anti-convulsivant (Apesac). C’est pourquoi elle a elle-même cherché à établir ces données par le biais d’un travail de recueil auprès des familles et des données de vente des médicaments auprès de la Direction générale de la Santé (DGS).
Avec ces informations, celles concernant les ventes du médicament depuis 1983 et le nombre de grossesses et de naissances pour 2007-2014 fournies par l’enquête de la Caisse nationale d’Assurance-maladie (CNAMTS) et de l’ANSM rendue publique en août dernier, elle a publié un livre ce 6 avril intitulé Dépakine, le scandale sanitaire aux éditions Robert Laffont. Dans celui-ci, elle révèle, en collaboration avec Catherine Hill, épidémiologiste à Gustave Roussy, qu’au moins 14 000 enfants auraient été victimes de l’exposition de leur mère au valproate de sodium pendant leur grossesse. Tous souffriraient d’une malformation physique et/ou d’un trouble neurologique.
Une extrapolation sur 50 ans
Cette estimation non-officielle résulte d’une extrapolation des données à toute la période de commercialisation des médicaments. « J’ai estimé ces chiffres depuis 2007 au prorata à l’ensemble de la période (1967-2014) », précise Catherine Hill.
Dans ce calcul, l’hypothèse d’environ 40% d’enfants atteints a été retenue. « Il s’agit d’une synthèse raisonnable des pourcentages de risque reconnus à ce jour. » En effet, le risque que l’enfant exposé in utero au valproate de sodium naisse avec des malformations physiques est estimé à environ 10%. Celui d’atteintes neurologiques se traduisant par des troubles autistiques, des retards intellectuels ou des difficultés de coordination est de l’ordre de 30% à 40%. Le résultat de ce calcul a « le mérite de donner un ordre de grandeur parfaitement raisonnable ».
Commercialisée en France dès 1967 pour le traitement de l’épilepsie sous la marque Dépakine et génériques, cette molécule a été prescrite à partir de 1977 contre les troubles bipolaires. Il s’agit donc d’une « fourchette basse », souligne Marine Martin. Car « les recommandations étaient moins strictes avant 2007 », ajoute-t-elle. Les victimes pourraient donc être bien plus nombreuses…
Les données officielles se font attendre
« On attend encore les données de l’étude CNAMTS-ANSM concernant l’état des enfants nés à partir de 2011 », indique Catherine Hill. Celle-ci ne portera que sur les malformations. Les autorités sanitaires « semblent déterminées à minimiser le nombre de victimes », estime de son côté Marine Martin.
En août dernier, les premiers résultats d’une étude réalisée par l’ANSM et la CNAMTS avaient été rendus publics. Ils avaient montré qu’entre 2007 et 2014, pas moins de 14 322 grossesses ont été exposées à l’acide valproïque. D’après Marine Martin, « le véritable nombre de victimes ne sera peut-être jamais connu, mais il est énorme ».
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Source : interview de Marine Martin, présidente de l’APESAC, 6 avril 2017 – interview de Catherine Hill, épidémiologiste, 6 avril 2017
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Vincent Roche