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En 2021, 12,5 % de la population française avait connu un épisode dépressif caractérisé au cours de l’année. Les épisodes dépressifs sont ainsi les troubles mentaux les plus fréquents au monde et responsables de milliers de décès par suicide chaque année en France. Si des médicaments sont disponibles, leurs effets ne se font sentir qu’après un délai de plusieurs semaines et près d’un tiers des patients ne répond pas, ou pas suffisamment, à ces traitements.
Dans ce contexte, la stimulation par ultrasons des régions cérébrales profondes impliquées dans le trouble dépressif est depuis plusieurs années une piste thérapeutique prometteuse, afin d’obtenir des effets plus rapidement. Problème : cette stimulation n’était jusqu’à présent possible qu’avec l’implantation d’électrodes intracérébrales, une procédure invasive comportant des risques neurochirurgicaux importants.
Des chercheurs du GHU Paris, de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Paris Cité et l’ESPCI Paris-PSL viennent d’obtenir de bons résultats avec un traitement réalisé sur 5 jours consécutifs, basé sur l’utilisation d’ultrasons focalisés de faible intensité. « Les ultrasons ont la propriété de se propager dans les tissus humains et de stimuler à distance la zone cérébrale sur laquelle ils sont concentrés, par action mécanique, en déclenchant l’ouverture de canaux mécano-sensibles », explique l’Inserm dans un communiqué. Mais pour que cela fonctionne, encore fallait-il contourner une autre problématique : le crâne. L’irrégularité de l’épaisseur du crâne dévie les ultrasons et limite ainsi leur capacité à se concentrer avec précision sur la zone à cibler.
Les chercheurs ont réussi à compenser ces distorsions des ultrasons induite par la traversée de la boîte crânienne grâce à des lentilles acoustiques. Pour chaque patient qui a participé à l’étude, les psychiatres Marion Plaze et David Attali sont parvenus à modéliser l’effet du crâne sur les ultrasons et à en déduire la forme optimale des lentilles acoustiques. Celles-ci ont été fabriquées sur-mesure. « La technologie des lentilles a été développée à l’Institut physique pour la médecine (Inserm, ESPCI Paris – PSL, CNRS) par les chercheurs et ingénieurs Jean-François Aubry (CNRS), Thomas Tiennot (ESPCI) et Mickael Tanter (Inserm), co-auteurs de l’étude », précise l’Inserm. Ces deniers ont fait breveter la technologie et fondé une start-up afin d’accélérer son application clinique.
L’essai clinique a été réalisé sur 5 patients souffrant de dépression sévère et résistante aux médicaments. Selon les résultats, publiés dans le journal Brain Stimulation le 29 avril, les patients n’ont rapporté aucune gêne ni douleur durant les séances et aucun événement indésirable grave n’est survenu. Quant à l’efficacité, « les scores de sévérité de la dépression ont progressivement diminué au fil des jours de traitement, avec une réduction moyenne de plus de 60 % de la sévérité de la dépression au cinquième jour du protocole ».
Pour l’heure, l’étude n’a porté que sur un nombre limité de patients, sans groupe placebo. De nouveaux essais, déjà programmés, doivent avoir lieu pour confirmer l’innocuité de la stimulation transcrânienne par ultrasons et la persistance des effets thérapeutiques dans le temps. Si les résultats sont probants, la technique « pourrait voir ses applications se multiplier ces prochaines années et s’étendre en psychiatrie, addictologie et neurologie, au bénéfice de nombreux patients ».
Source : Inserm, Brain Stimulation
Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet