Des bactéries ultra-résistantes dans les hôpitaux européens

09 août 2019

Une récente étude européenne montre que l’épidémie de bactéries ultra-résistantes s’intensifie dans les hôpitaux européens. En particulier dans certains pays comme la Grèce, l’Italie et le Portugal. Les précisions du Pr Jean-Christophe Lucet, en charge de la prévention des infections à l’Hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris.

Comme le montrent les résultats de la récente étude publiée dans la revue Nature Microbiology, une épidémie de bactéries ultra-résistantes – la plus fréquente s’appelle Klebsielle pneumoniae – se répand en Europe. Un constat « sans surprise » pour le Pr Jean-Christophe Lucet.

Cette épidémie mondiale est une réalité depuis le début des années 2010. Et son évolution est « inéluctable car ce type de bactérie est de plus en plus fréquent dans les hôpitaux des pays pauvres et en développement ». Par conséquent, par le biais du tourisme et en particulier du tourisme médical, ces bactéries sont introduites dans les pays riches, notamment européens. Ensuite « si l’isolement et le diagnostic ne sont pas stricts autour des patients porteurs à leur retour, ces souches se diffusent dans les hôpitaux », analyse-t-il.

D’où viennent ces bactéries ?

Ces bactéries ultra-résistantes proviennent des pays pauvres dans lesquelles elles prospèrent. « Nous recevons des données extrêmement préoccupantes de pays comme le Vietnam par exemple », explique Jean-Christophe Lucet. Une récente publication révèle que « 50% des souches d’entérobactéries isolées dans l’hôpital portent ce genre de résistance et que ces souches se retrouvent dans 5% à 10% de la population générale ».

Les facteurs favorisant cette situation sont multiples: le manque de gestion des eaux usées et les difficultés d’accès à des sanitaires salubres. « En Inde, l’eau de boisson est parfois contaminée par ce type de bactéries, comme l’a montré un auteur britannique en 2010 », raconte le Pr Lucet. Sans compter que ce pays, comme la Chine, produit des antibiotiques. Résultat, les usines de médicaments polluent « les eaux douces, qui sont désormais largement contaminées par ces molécules ». Ce phénomène favorise lui aussi les résistances.

Propagation en Europe

Les pays les plus affectés par cette épidémie en Europe sont la Grèce, l’Italie, et désormais le Portugal et l’Espagne. Pour quelles raisons ? « Celles-ci sont là encore multifactorielles », explique Jean-Christophe Lucet. Tout d’abord, « un influx de l’extérieur avec l’arrivée de migrants associée au fait que des personnes issues de l’immigration vivent entre deux pays » favorise la transmission de ces bactéries. D’autre part, si la stratégie nationale n’est pas stricte contre cette épidémie, il est difficile de la maîtriser. En effet, « l’hygiène dans les hôpitaux et la politique de dépistage des patients à l’arrivée doivent être sans faille ». Or parfois, « les efforts de la majorité peuvent être perdus par le manque de rigueur de quelques-uns ».

Encore aujourd’hui, « la France est du bon côté », rassure le Pr Lucet. « Sa politique d’hygiène et de prescription des antibiotiques lui permet de maîtriser la situation. »

A noter : à part la colistine et dans certains cas quelques traitements innovants, ces bactéries résistent à tous les antibiotiques disponibles.

  • Source : interview du Pr Jean-Christophe Lucet, en charge de la prévention des infections à l’Hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris, 9 août 2019 – Nature Microbiology

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par: Laura Bourgault

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