











© Helena Nechaeva/shutterstock.com
« On prélève un cœur sur une personne décédée, on greffe ce même cœur sur une personne malade, et elle survit, elle vit. C’est dingue, complètement dingue ». C’est en ces termes qu’Olivier Coustère, président de l’association Trans-Forme décrit le don et son impact. Atteint d’une insuffisance rénale chronique, lui-même a été greffé d’un rein à trois reprises, en 1982, 1994 et 2006. « A l’époque, on m’a dit que j’avais la chance de survivre, mais moi je voulais vivre et même vivre bien. Sportif de haut niveau, j’ai donc créé une association pour valoriser le rôle capital de l’activité physique auprès des patients en vie grâce à la greffe. Aujourd’hui, je ne peux plus pratiquer de sport. Mais j’incite à la prescription de cette pratique d’une activité physique à tous les patients greffés. »
Un tempérament de combattant ! « Dans le passé, j’étais très en colère contre la fatalité de mon destin que j’estimais si injuste. Aujourd’hui, je suis tellement reconnaissant envers mes donneurs, les médecins, les chercheurs. Si je devais revivre ma vie, je choisirais la même, sans rien y changer. Et je peux dire à quel point il est important de s’exprimer sur le don d’organes de son vivant. C’est toujours compliqué quand on n’en a pas parlé. Il faut simplement oser parler de la mort pour parler de la vie. »
Aucun doute en l’écoutant : à notre petite échelle, nous sommes toutes et tous en mesure de faire bouger les lignes. Et de participer à l’augmentation du prélèvement pour transplanter les patients en attente de greffons. A noter qu’au 1er janvier 2023, 10 810 patients étaient inscrits sur liste attente. Quelles démarches effectuer pour faire connaître sa position ?
Pour soulager un choix difficile, il est conseillé de confier son accord ou son opposition au don à un proche, à une personne de confiance. Et dans l’idéal rédiger ses souhaits sur ses directives anticipées.
Donner sa position sur le don d’organes de son vivant peut sauver des vies. Chaque minute compte en effet entre la déclaration du décès et une possible transplantation. Pour le cœur, 3 à 4 heures maximum peuvent s’écouler entre le prélèvement et la greffe, 6 heures pour le foie, 6 à 8 heures pour les poumons et 24 à 36 heures pour un rein. Cette course contre la montre va nettement influer sur la qualité du greffon et les chances de réussite de la greffe.
La répartition des organes est gérée au niveau national par l’Agence de la Biomédecine. Pour les reins, la répartition d’un des deux greffons s’effectue d’abord à l’échelle régionale. Ainsi, « au CHU de Poitiers, comme le veut la loi, le greffon rénal est dans la très grande majorité transplanté pour de patients vivant dans le territoire de l’ex Poitou-Charentes, donc pris en charge sur Niort, Saintes, La Rochelle, Poitiers, Angoulême », souligne le Pr Antoine Thierry, néphrologue au CHU de Poitiers. Pour les autres organes, les attributions se font en fonction d’un score national établi sur des critères de priorité comme l’âge (les enfants sont privilégiés) et l’engagement du pronostic vital du patient.
« Le délai d’attente va dépendre notamment du groupe sanguin, du statut immunologique et de l’âge du receveur mais aussi de la région dans laquelle vous êtes », décrit le Pr Thierry. « Globalement, on a tendance à attendre un peu moins longtemps un greffon rénal dans un CHU de petite ou moyenne taille que dans les grandes métropoles ».
Mais en France, combien de temps peut s’écouler entre l’inscription sur liste d’attente et la greffe ? Comme le précise l’Agence de la biomédecine (ABM), « l’attente avant de recevoir un organe varie selon les cas et peut se compter en mois ou en années ».
La crise sanitaire de la Covid-19 a nettement allongé ce temps d’attente : moins d’organes ont été prélevés puis transplantés. Dans le détail, du fait de cette épidémie et de son impact sur le système hospitalier, sur la seule année 2022, « 967 personnes en attente de greffe sont décédées, c’est-à-dire entre deux et trois par jour », relève l’Agence de la biomédecine.
La situation n’est toujours pas revenue à la normale, mais les choses vont en s’améliorant. Selon les derniers chiffres publiés par l’Agence de la biomédecine, le nombre de greffes a augmenté de 4% entre 2021 et 2022. En 2022, 7 714 patients supplémentaires ont été inscrits à l’échelle nationale, et seulement 5 494 greffes ont été réalisées.
Comment alors expliquer les freins aux dons ? Comme le précise Pr Antoine Thierry, « le taux de refus élevé à plus de 30% aujourd’hui en France, le défaut d’expression des volontés, ou encore la situation de l’hôpital » peuvent empêcher de nombreux dons.
Point positif : les spécialistes du prélèvement et de la greffe d’organes développent en permanence des techniques pour augmenter les chances de réussite. Dans ces 10 à 15 prochaines années, nous pouvons nous préparer à différentes innovations, précisées par le Pr Thierry :
Autant de perspectives d’innovations pour diminuer le plus possible le temps d’attente des patients inscrits sur liste.
Source : - Interview du Pr Antoine Thierry, néphrologue au CHU de Poitiers, le 3 mai 2023 - Interview d’Olivier Coustère, président de l’association Trans-Forme, le 10 mai 2023 - Conférence-débat sur le don d’organes, 16 mars 2023, Villeurbanne, organisée par les Hospices Civils de Lyon, en partenariat avec Sanofi et la ville de Villeurbanne - Agence de la Biomédecine, consulté en avril 2023 - Service-Public.fr, consulté en avril 2023 - https://www.dondorganes.fr/, consulté en avril 2023
Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Emmanuel Ducreuzet