Dons d’ovocytes : une démarche altruiste… mais taboue

29 mars 2017

Donner ses spermatozoïdes pour permettre à un couple infertile d’avoir un enfant : en France, cette démarche devient de plus en plus connue. En revanche, dans la population féminine, le don d’ovocytes reste, lui, peu pratiqué. En cause, un manque d’information concernant les démarches à suivre et les récentes évolutions législatives. Les précisions de deux spécialistes impliqués dans le combat en faveur du don ovocytaire à Nantes.

Comme les spermatozoïdes, les ovocytes sont nécessaires à la mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation (AMP). De nombreux couples souffrant d’infertilité doivent en effet avoir recours au don de gamètes pour espérer avoir un enfant.

501 dons en 2014

En France, selon l’Agence de la biomédecine, 501 femmes ont effectué un don d’ovocytes en 2014, permettant la naissance de 239 enfants. Or les besoins pour satisfaire le projet de parentalité en cas d’infertilité sont estimés à… 2 500 dons par année. « Et encore, cette donnée ne prend pas en compte tous les couples en errance procréative, notamment ceux pour qui l’infertilité ne trouve pas de réponse en France comme les femmes seules et les couples homosexuels », explique Miguel Jean, directeur de l’Espace de réflexion éthique des Pays de la Loire (EREPL). Au total, l’infertilité est détectée chez 15% des Français en âge de procréer, une situation « avérée lorsqu’aucune grossesse ne survient pas après 12 à 24 mois d’exposition à la fécondation ».

Pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation (AMP), « des milliers de Français font donc leur valise pour trouver une solution dans des pays où les dons sont conséquents. Notamment grâce à une politique plus incitative (rémunérations du geste) ». En France, pas le moindre euro n’est versé en échange du don d’ovocytes, cette rémunération étant considérée comme non éthique. En effet, « rétribuer les femmes pose la question de la marchandisation des corps », souligne Miguel Jean. Dans le même temps, cette position trouve un contre-point « quand on sait que le dédommagement, comme c’est le cas à Barcelone, pourrait satisfaire de nombreuses demandes de parents confrontés à l’infertilité ».

Les raisons de l’infertilité

Autre donnée, l’écart entre le nombre d’ovocytes disponibles et les besoins ne cesse de se creuser. Mais pour quelles raisons ? Les difficultés des couples à concevoir un enfant naturellement ne font qu’augmenter, du fait de facteurs environnementaux notamment. « Même si ce lien de cause à effet mérite d’être scientifiquement établi, l’exposition à des polluants, à une mauvaise alimentation ou le tabagisme nuisent à la qualité des ovocytes et fragilisent la fonction reproductrice ».

L’âge constitue par ailleurs le « premier facteur de risque d’infertilité », rappelle Miguel Jean. En effet, l’horloge biologique tourne. Les carrières professionnelles et la stabilisation de la vie intime tardive et/ou fluctuante repoussent l’âge moyen de la première grossesse, « aujourd’hui estimé à 31 ans en France. » Et trop peu de femmes savent que leur pool ovocytaire diminue au fil des années.

Enfin, cette hausse des demandes résulte aussi des progrès scientifiques. « De plus en plus de femmes guéries d’un cancer engagent en effet une grossesse. Dans ce cas, le recours au don d’ovocytes s’avère souvent nécessaire. Les traitements anti-cancéreux augmentent en effet le risque, a posteriori, de ménopause précoce et donc d’insuffisance ovarienne ». Dans ce cas précis d’ailleurs, pour éviter d’avoir recours au don d’ovocytes, les patientes ont le droit d’envisager la vitrification ovocytaire.

Légiférer et informer les (jeunes) femmes

Pour augmenter les dons d’ovocytes, le droit français a ouvert les vannes. « La congélation d’ovocytes de confort (exclusivement pour soi-même) reste interdite », explique Miguel Jean. Mais depuis la publication du décret du 13 octobre 2015, les femmes donnant leurs ovocytes pour autrui ont – en échange – le droit de conserver un stock de gamètes féminins pour leur propre utilisation future, en cas de projet parental à venir. Une sorte de chantage incitant au don pour certains. Dans tous les cas, cette évolution législative est censée renflouer le nombre d’ovocytes disponibles pour les couples confrontés à l’infertilité.

Perrine Massart, gynécologue au centre AMP et au CHU de Nantes

Pour étendre le don, il faut aussi informer les femmes. « Le don de spermatozoïdes imprègne de plus en plus les mentalités françaises. Mais le don d’ovocytes reste en revanche mal connu, trop confidentiel voire tabou », témoigne Miguel Jean. Pourtant, entre 18 et 37 ans, toutes les femmes avec ou sans enfant et en bonne santé, peuvent effectuer cette démarche altruiste. Tous les frais liés à l’acte sont pris en charge par l’Assurance-maladie. Cliquez ici pour connaître toutes les étapes du don.

Et plus tôt vous donnez mieux c’est ! « Aujourd’hui, 75% des donneuses d’ovocytes ont plus de 35 ans, âge à partir duquel la qualité ovocytaire diminue ».

  • Source : Conférence-débat, organisée par l’Espace de réflexion éthique des Pays de la Loire (EREPL) et le CHU de Nantes, le 8 février 2017. Interview du Dr Perrine Massart, CHU de Nantes et Clinique Jules Verne - Laboratoire FIV CHU Nantes, le 16 février 2017.

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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