Dopage : les pouvoirs de la testostérone

12 septembre 2023

Le joueur de football Paul Pogba a été contrôlé positif à la testostérone. Une preuve de dopage qui lui vaut une suspension temporaire. Quels sont les effets de cette hormone ? Le taux de testostérone dans l’organisme peut-il être naturellement trop élevé ? Précisions.

Jose Breton- Pics Action/shutterstock.com

Paul Pogba, joueur de la Juventus de Turin, a été testé positif à la testostérone et suspendu à titre provisoire. Une annonce faite par l’agence italienne anti-dopage ce lundi 11 septembre.

La testostérone est indiquée comme traitement pour compenser un déficit* de cette hormone sexuelle naturellement produite par l’organisme (95 % produite par les testicules). Les femmes, elles aussi, produisent de la testostérone, mais dans des proportions dix fois moindre (sécrétée par les ovaires). Cette hormone est aussi indiquée dans le cadre d’hormonothérapie de transition (la démarche de changement de sexe que font les personnes transgenres).

Mais dans le cadre sportif, les stéroïdes anabolisants androgènes (SSA), dérivés de la testostérone, restent interdits par l’Agence mondiale antidopage. Pour quelles raisons ? Parce « qu’ils induisent une augmentation de la masse ou volume musculaire et de la force, notamment lorsque la prise est associée à un régime hyperprotéiné », décrit Vincent Darguet, auteur d’une thèse sur le sujet. Ces hormones stimulent aussi, artificiellement donc, le développement des fibres musculaires, le tonus et les sensations physiques. Des injections qui faussent donc les compétences et les ressources métaboliques réelles de l’athlète. Malgré leur interdiction sur le marché, les SSA comme la testostérone restent disponibles « aisément et illégalement sur un marché noir dont internet favorise la vente », complète Vivent Darguet.

 Un risque de faux positifs ?

Si la testostérone est naturellement présente dans l’organisme, est-il alors possible que l’organisme en sécrète en trop grande quantité ? Autre question : peut-on en absorber sans le savoir ? Ainsi, existe-t-il un risque de faux positifs ?

On estime que 8 échantillons sur 1 000 sont des faux positifs, du fait d’une confusion entre la testostérone naturelle et celle de synthèse. Mais le seuil à ne pas dépasser a été fixé « suffisamment haut pour ne pas sanctionner trop de faux positifs », note le Dr Jean-Claude Boudier du CHU de Toulouse. Et quand bien même un athlète sécrèterait trop de testostérone naturellement, sans intention de tricher, les contrôles actuellement en vigueur sont suffisamment fins pour distinguer les deux hormones, naturelles ou non. Difficile donc, de feindre l’innocence.

Autres points : les gènes pourraient également influer l’interprétation de ces tests. « Des variations courantes au niveau de ce gène pourraient influencer les résultats des tests selon les individus, après l’administration d’une même dose de testostérone », confirment à ce sujet des scientifiques dans les colonnes du Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism (JCEM).

Cholestérol, dépression, cancer, addiction

Quels peuvent être les conséquences d’une consommation de testostérone sur la santé ? Une chute des cheveux, une prise de poids, une augmentation du cholestérol, une dépression, des tumeurs du foie peuvent survenir chez les consommateurs chroniques.

La santé sexuelle peut également s’en trouver altérée avec un risque élevé « d’atrophie testiculaire, d’anomalies de la spermatogenèse, d’impuissance, de modifications de la libido et d’infertilité », décrit la chercheuse Martine Duclos dans les Tribunes de la Santé. « L’apparition d’une gynécomastie (développement des seins) » est aussi repérée. Des effets délétères réversibles chez l’homme, le plus souvent dans les mois suivant l’arrêt de la consommation. En revanche, chez les femmes, ces impacts des SSA sur la fonction sexuelle peut perdurer dans le temps malgré l’arrêt des injections.

Sur le long terme, il existe « des risques concernant le système cardiovasculaire (hypertrophie cardiaque conduisant à l’insuffisance cardiaque, troubles du rythme responsables de mort subite). Ainsi, le risque de mortalité chez les utilisateurs de stéroïdes anabolisants est multiplié par quatre par rapport à des sujets de même âge ». Et les dégâts ne s’arrêtent pas là : il faut également « ajouter d’autres effets : toxicité hépatique, apnées du sommeil, hypercholestérolémie, athérosclérose, troubles psychiatriques (dépendance aux stéroïdes) », complète Martine Duclos.

A noter : dans « la communauté des bodybuilders et adeptes de salles de musculation, environ 15 à 30 % consomment des SSA ». Et les impacts sont importants en termes de santé publique, étant donné qu’il existe « un effet dose-réponse important ». Ainsi, les consommateurs ne sont souvent pas des petits joueurs. « Les utilisateurs de stéroïdes anabolisants consomment en général des doses très élevées : 1 000 à 2 000 mg de testostérone (ou équivalents) par semaine (contre une production naturelle de testostérone de 50 mg/semaine, soit 2 500 mg par an chez un homme jeune), souvent en combinaison avec d’autres agents anaboliques. »

 

*hypogonadisme masculin

  • Source : Thèse HAL « Le dopage sportif : état des lieux des pratiques et place du pharmacien », Vincent Darguet - « Le dopage et ses conséquences en termes de santé individuelle et de santé publique », Martine Duclos, Les Tribunes de la Santé, consulté le 12 septembre 2023

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Édité par : Emmanuel Ducreuzet

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