Les probiotiques ou… le pouvoir de la flore

03 novembre 2009

Ils sont présents dans bien des produits de consommation courante comme certains laitages, mais également disponibles sous forme de compléments alimentaires : des sachets, des gélules, des comprimés… Les probiotiques pourtant, restent mal connus. De quoi s’agit-il précisément ? Comment agissent-ils ? Exercent-ils vraiment un effet sur la santé ?

Alors même que l’Agence française de Sécurité sanitaire des Aliments (AFSSA) va lancer un « protocole de vigilance » concernant les compléments alimentaires, il est intéressant de se pencher sur leur évaluation. Concernant les probiotiques, de nouvelles études lèvent le voile sur ces bactéries, qui ont fait de notre côlon un terrain d’élection. Elles permettent de mieux distinguer le vrai du fantaisiste. Pour bien comprendre l’intérêt des probiotiques, il convient justement de partir de leur site d’action, le côlon. Ou plus précisément de la flore intestinale qu’il abrite. Considérée comme un organe à part entière, celle-ci se compose de milliards de bactéries. Pour rendre plus perceptible encore cette extrême diversité, les spécialistes préfèrent d’ailleurs parler aujourd’hui, de microbiote plutôt que de flore intestinale. « Nous ne connaissons que la partie émergée de l’iceberg », nous explique le Dr Thierry Piche, gastro-entérologue au CHU de Nice, un spécialiste pointu, qui travaille depuis plus de 15 ans sur le couple flore intestinale/probiotiques. Une certitude, « elle se met en place au cours des 3 premières années de la vie ». Son rôle ensuite, consiste à protéger l’organisme contre l’invasion de bactéries indésirables. Elle participe donc au bon fonctionnement du système immunitaire. Elle exerce aussi une « fonction de dialogue avec le tube digestif », poursuit Thierry Piche. Elle intervient en effet, dans « la dégradation des fibres alimentaires insolubles, qui ont un rôle bénéfique sur le plan anti-inflammatoire ». Mais le champ d’action de la flore intestinale va bien au-delà de ce rôle. « Elle intervient aussi dans l’absorption des lipides et la régulation de la glycémie. C’est donc vraiment un organe à part entière. Elle n’agit pas seulement sur le tube digestif » mais sur différents aspects du métabolisme. Une flore très… fleur bleue Si efficace et puissante soit elle, cette flore s’avère toutefois bien fragile, parfois. Certains aliments, le stress ou l’utilisation d’antibiotiques peuvent la perturber, passagèrement. Il s’ensuit un inconfort digestif, des ballonnements voire des diarrhées. L’exemple-type, c’est justement celui de la diarrhée secondaire à une antibiothérapie. Le traitement qui cible en principe les germes pathogènes, va en quelque sorte provoquer des dommages collatéraux et déséquilibrer la flore intestinale. Les probiotiques justement, visent à préserver et/ou à rétablir l’équilibre de ce fragile écosystème. Ils répondent à une définition précise, établie en 2001 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et la FAO. Il s’agit précisément de « micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité suffisante, exercent des effets positifs sur la santé, au-delà des effets nutritionnels traditionnels. » En pratique, les probiotiques sont des bactéries ou des levures. La majorité des souches utilisées appartiennent aux genres Lactobacillus ou Bifidobacterium, deux genres de bactéries également présentes dans la flore intestinale. L’idée est d’en apporter un maximum. Ce qui est bien plus compliqué qu’il n’y paraît… Il est en effet impératif que ces bactéries résistent, sans être dégradées, au passage dans l’estomac, l’intestin grêle avant de gagner leur objectif, le côlon. C’est la principale difficulté rencontrée par les industriels qui font souvent face à de grandes différences – pour ne pas dire des déceptions - entre les tests réalisés dans les tubes à essai et ceux qui sont menés dans « la vraie vie ». ... et des débats passionnés « Les probiotiques sont des compléments alimentaires » rappelle Thierry Piche. « Leur évaluation ne relève donc pas de l’agence du médicament. Il y a bien eu quelques errances au début. Elles sont aujourd’hui largement dépassées ». Plus question désormais de se satisfaire de la vague mention de propriétés scientifiquement prouvées, telle qu’on peut toujours en lire sur certains emballages en grande distribution… Le temps de ces errances est-il réellement passé ? Pas sûr… Dans un éditorial publié en septembre dernier dans le Lancet un chercheur français, le Dr Didier Raoult, évoque un lien entre l’obésité et les probiotiques. Au CHU de la Timone à Marseille, le Dr Raoult est un chercheur atypique dont la spécialité est l’étude des maladies infectieuses. L’opinion n’est pour le moment appuyée sur aucune étude clinique et comme le confirme le Dr Piche, « c’est une piste parmi beaucoup d’autres. Le problème est comme souvent, que nous sommes encore très loin d’une application clinique ». Autrement dit, d’une étude clinique réalisée chez l’homme et prouvant l’existence effective d’une telle relation. A ses yeux, de telles sorties « nuisent au développement scientifique alors qu’il y a des industriels qui investissent considérablement dans la recherche ». Une efficacité réelle dans le syndrome de l’intestin irritable Et notre spécialiste de citer les nombreuses méta-analyses qui ont démontré l’efficacité des probiotiques : sur les diarrhées de l’enfant, les troubles intestinaux associées aux antibiotiques et sur d’autres affections, comme le syndrome de l’intestin irritable. Cette maladie en fait, n’est rien moins que le principal motif de consultation en gastro-entérologie. Pas étonnant qu’elle fasse l’objet de nombreux travaux. L’un des tout derniers en date est français, justement. Réalisé selon les règles de l’art - randomisé, en double aveugle et contre placebo - il a montré l’efficacité d’un mélange de souches probiotiques - en l’occurrence le complément alimentaire Lactibiane® Référence - sur les symptômes associés au syndrome de l’intestin irritable : mal de ventre, troubles du transit, constipation, ballonnements… Publié dans la revue Gastroentérologie Clinique & Biologique, ce travail conduit auprès de 100 patients a été coordonné par le Pr Philippe Marteau de l’Hôpital Lariboisière à Paris. Le résultat est probant : « après 4 semaines de prise (1 sachet de 2,5g par jour), les douleurs abdominales ont été significativement réduite par rapport au placebo », observent les auteurs. « En France, nous avons très peu d’études bien faites dans l’intestin irritable. Leurs résultats mettent en évidence des bénéfices réels - par rapport au placebo- en termes de qualité de vie, de douleur et de transit », confirme Thierry Piche. Ces études tendent également à montrer les bénéfices de cocktails multi-souches plutôt que de tel ou tel micro-organisme, pris isolément. N’attendons toutefois pas de miracles. « Il n’y a pas de magie », prévient-il. « Les probiotiques sont des compagnons de vie. Ils doivent être pris pendant un certains temps. Il ne faut donc pas s’attendre à des effets immédiats ». Un constat qui signifie aussi que les yaourts ne peuvent suffire à équilibrer la flore intestinale. Notamment dans le cadre de certaines pathologies ou en présence d’un stress chronique. Pour bénéficier de l’efficacité des probiotiques, adressez-vous à un professionnel de la santé, un pharmacien ou un médecin spécialisé en micronutrition.
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