Et si on s’autorisait à dormir (un peu) au travail ?

25 juillet 2025

Le 22 juillet dernier, le Ministère de la Santé a lancé une feuille de route interministérielle pour améliorer la qualité du sommeil, dans laquelle la sieste occupe une place - modeste. Yannick Neuder, le ministre de la santé s’est lui-même déclaré très favorable à la sieste, y compris au sein des entreprises. Celle-ci améliore la mémoire, renforce la concentration, réduit le stress, et semble bénéfique vis-à-vis du système cardiovasculaire. Dormir pour mieux travailler ? La science dit oui.

La sieste au travail est perçue de manière très contrastée selon les cultures. En Chine, le shui wu jiao, ou repos de la mi-journée, fait partie intégrante du rythme quotidien, y compris en entreprise. Au Japon, l’inemuri (« être présent tout en dormant ») est toléré, voire valorisé, comme le signe d’un engagement professionnel. En Espagne, la sieste appartient à l’identité culturelle, même si elle tend à disparaître des usages urbains. À l’inverse, dans d’autres pays, cette pratique peut encore être mal vue, évoquant parfois un manque de sérieux, aussi bien aux yeux des collègues que de la hiérarchie. En France, il semblerait que le tabou tombe peu à peu.

La sieste au travail ? 70 % des Français y sont favorables

Selon un sondage réalisé par l’agence d’intérim Adecco, 69 % des Français sont favorables à une sieste au travail, à condition que cela ne les retarde pas pour rentrer chez eux ! Aujourd’hui, seules quelques grandes entreprises ont effectivement aménagé un espace adapté. Les Français en auraient bien besoin. Chez 56 % d’entre eux, les problèmes de sommeil provoquent au moins une nuisance au travail. En médecine du travail, 20 à 40 % des salariés se plaignent de leur sommeil, avec pour principale conséquence la somnolence diurne, qui entraîne une baisse de vigilance. Cette somnolence excessive multiplie par deux les difficultés professionnelles, notamment dans la gestion du temps, les relations et l’efficacité, selon l’enquête Sommeil et vie active de l’Institut national du sommeil et de la vigilance. Les répercussions de ces troubles du sommeil concernent l’énergie, le dynamisme (pour 45 % des personnes interrogées) et la concentration/ la capacité à ne pas faire d’erreur (29 %).

Vous dormez debout ? Micro-sieste : cinq minutes qui changent tout

En semaine, les Français dorment en moyenne 7 heures par nuit, et jusqu’à 7 h 38 le week-end. Pourtant, près d’un quart d’entre eux dort moins de 6 heures, un temps insuffisant. Ces données révèlent que les besoins en sommeil restent largement insatisfaits. Si peu de Français se déclarent somnolents, plus d’un quart le sont réellement, dont 7 % de façon sévère. Le Pr Pierre Philip, chef du service universitaire de médecine du sommeil du CHU de Bordeaux, ajoute : « avec plus de 20 % d’insomniaques et 10 % de personnes souffrant d’apnées du sommeil, le mauvais sommeil nocturne et la somnolence diurne excessive sont le pain quotidien des Français ». Un constat qui invite à s’interroger sur la place de la sieste dans le cadre professionnel.

Outre la prise en charge des maladies pouvant induire une somnolence en journée (apnées du sommeil, insomnies, syndrome des jambes sans repos…) ou en cas de travail en horaires décalés, la sieste de « 10 à 20 minutes » ou même la micro-sieste (sieste « flash) a de nombreux avantages : elle réduit la somnolence diurne, améliore la vigilance, la mémoire, les performances et la productivité. Elle diminue également le risque d’accident du travail.

Sur le plan cardiovasculaire, selon des données présentées lors du congrès américain de cardiologie 2019, la sieste serait associée à une baisse de la pression artérielle chez des patients hypertendus pourtant déjà bien contrôlés. En moyenne, une réduction de 5,3 mm Hg de la pression systolique sur 24 heures a été observée chez ceux qui faisaient une sieste, par rapport à ceux qui n’en faisaient pas. Or, selon les auteurs, une diminution même modeste (dès 2 mm Hg) peut réduire le risque d’infarctus de 10 %.

La sieste flash, la solution au bureau

Il existe plusieurs types de siestes, à adapter selon le contexte et le moment de la journée. Tout d’abord la sieste type, d’une durée comprise entre 15 et 20 minutes. Elle correspond à une phase de sommeil lent léger, sans risque d’inertie au réveil. Si l’endormissement prend plus de 20 minutes lors de la sieste, cela signifie que ce n’est pas le bon moment ou que la sieste n’est pas nécessaire. La vigilance baisse naturellement entre 13 h et 15 h, ce qui en fait le moment idéal pour une sieste. En revanche, au-delà de 16 h, dormir devient contre-productif : cela risque de perturber le sommeil nocturne.

Ce second type de sieste dite « sieste flash » dure moins de cinq minutes. Sans sommeil réel, elle offre un simple temps de pause, facilement réalisable dans les transports ou au bureau. Malgré sa brièveté, elle suffit à relancer la mémoire et l’attention.

« Siester » au bureau, la bonne attitude

Caroline Rome, sophrologue, en lien avec l’Institut du sommeil et de la vigilance, décrit les étapes clés d’une sieste flash. « Elle se pratique en position assise, le dos bien calé au fond du siège, les pieds à plat, les mains posées sur les cuisses, les épaules relâchées. Les yeux fermés, la respiration devient lente, chaque muscle se relâche progressivement, sans chercher à résister. Pour favoriser l’endormissement, il est possible de visualiser un moment personnel, heureux et apaisant. Le réveil se fait en douceur, par une inspiration profonde, des étirements des chevilles, des poignets et de la nuque, puis un massage du visage et une réouverture progressive des yeux. La reprise de l’activité se fait naturellement, éventuellement après une courte marche à l’extérieur. »

A noter : Tout salarié bénéficie d’une pause de 20 minutes après 6 heures de travail (§ L3121-33 du Code du travail), utilisable librement, y compris pour une sieste. Cette dernière n’est pas une faute sauf si elle nuit aux obligations professionnelles ou à la sécurité. L’employeur n’est pas obligé d’aménager un espace de repos conforme aux normes d’hygiène et de sécurité.

  • Source : Promouvoir un sommeil de qualité pour tous : une feuille de route interministérielle pour un enjeu de santé publique majeur Ministère de la santé (CP du 22/07/25 ; Enquête annuelle 2025 Institut national du sommeil et de la vigilance OpinionWay avec la Fondation VINCI Autoroutes ; Kallistratos. “Mid-day Sleep Effects as Potent as Recommended Lifestyle Changes in Patients With Arterial Hypertension,” ACC. 18 mars 2019. Poster Hall, Hall F.

  • Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet

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