Tabac : ne grillez pas votre vie !

07 juin 2006
Aussi sophistiqué et performant soit-il, notre appareil respiratoire n’en reste pas moins fragile. Constamment attaqué par des pollutions en tous genres, il souffre. Et que ce soit clair, il n’est pas conçu pour être exposé à la fumée de cigarette, dont on sait à quel point elle est nocive. Le tabac constitue en effet son ennemi numéro un. Pour le fumeur comme pour le non-fumeur, qui subit les cigarettes des autres avec des conséquences également dramatiques. Le tabagisme passif en effet, tue chaque année plus de 4 000 personnes dans un pays comme la France. Et 10 000 Britanniques en meurent tous les ans ! La fumée de tabac attaque les voies respiratoires dans leur ensemble. Elle est la principale cause du cancer du poumon qui tue chaque année près d’un million de personnes dans le monde ! Mais pas seulement. « Tirer » sur une cigarette, cela bloque les mécanismes de défense de notre appareil respiratoire. Notamment les cils vibratiles qui le tapissent. Ces derniers jouent un peu le rôle d’un escalier, pour éjecter le mucus encombré de poussières. Ces cils-là ne peuvent plus faire leur travail. La fumée d’une seule cigarette les immobilise pendant 4 heures ! Résultat, mucus et bactéries s’accumulent, favorisant l’apparition d’infections pulmonaires. Le Pr Bruno Housset est le président de la Société de pneumologie de langue française. Et comme il nous le rappelle, « Le tabac a beaucoup d’effets nocifs. Vous savez que cela peut entraîner plein de complications, en particulier cardiovasculaires. Et cela peut aussi, bien sûr, provoquer des pathologies respiratoires. Le cancer du poumon est extrêmement fréquent. Vous savez que sa fréquence augmente chez la femme. Et cela peut avoir des conséquences sur la fonction respiratoire en abîmant les bronches, et donc aboutir à la BPCO. » La BPCO ? C’est la broncho-pneumopathie chronique obstructive. Elle touche environ 10% de la population mondiale de plus de 40 ans. Méconnue, cette maladie obstrue les bronches et évolue vers une insuffisance respiratoire. La BPCO, c’est grave. Et son installation est insidieuse. Pendant des années le fumeur considère « normal » de tousser et de cracher. Il ne se rend pas compte que ce sont les signes d’une vraie maladie aux conséquences irréversibles. Cigarette après cigarette, ses capacités respiratoires diminuent. Le moindre effort s’accompagne d’un essoufflement. L’Organisation mondiale de la Santé estime que la BPCO tuera dans les prochaines décennies, près de 3 millions de personnes par an à travers le monde. Trois millions ! Comment avec de tels chiffres, ne pas réfléchir. Vous fumez et vous avez décidé de diminuer votre consommation ? C'est déjà bien, mais pas ce n’est pas suffisant. L'arrêt définitif est largement recommandé. Mais surtout, n'ayez pas le réflexe « light » ! Car en réalité, contrairement à ce qu’elles vous laissent croire, les cigarettes légères ou douces sont plus agressives que les classiques. Jugez plutôt. "Officiellement" une clope ordinaire contient 1,1 mg de nicotine. Une légère pour sa part, n'en renfermerait que 0,1mg. Mais un travail japonais publié en 2004 a prouvé que c'était un mensonge. En fait, la quantité de nicotine inhalée avec une cigarette "douce" n'est que 2 fois moins importante qu'avec une classique... Un constat pour le moins surprenant puisque logiquement, la concentration en nicotine dans une douce aurait du être 11 fois moins élevée. Et ce n'est pas fini. Avec des produits light, les fumeurs inhalent plus profondément la fumée. Laquelle en comparaison de la fumée provenant d'une cigarette ordinaire, contient plus de monoxyde de carbone. Sachez qu'en fumant -et là toutes sortes de tabac-, onze de vos organes sont menacés de cancer : le poumon bien sûr, mais également le nez et le pharynx, les reins, la bouche et les lèvres, la vessie, le pancréas et le larynx, l’œsophage et les sinus. Une grossesse réussie commence loin du paquet de cigarettes. Bien sûr cela ne suffit pas. Le sport et une alimentation équilibrée jouent aussi un rôle essentiel. Mais le tabac multiplie par 3 le risque d'avortement et par 2 celui de grossesse extra-utérine. Et ce n'est pas tout. L'intoxication tabagique fait bien d'autres ravages. Fumer durant la grossesse, cela multiplie par 2 ou 3 la fréquence de placenta praevia. C'est une situation qui se produit lorsque le placenta, placé devant le col de l'utérus, menace de se déchirer lors de l'accouchement. Et ce n'est toujours pas fini. Après la naissance, le tabac fait encore parler de lui. Votre enfant risque en effet de naître grand prématuré avec toutes les conséquences que cela induit : retard de croissance et surtout des troubles respiratoires sévères, au premier rang desquels, l'asthme ! Même la mort subite inexpliquée du nourrisson trouve parfois son origine dans le tabagisme parental. Oui, la mort subite de votre bébé ! La nicotine agit sur le rythme cardiaque et peut provoquer des apnées du sommeil, parfois fatales chez le nouveau-né. Le risque d'une mort subite est alors multiplié par 4. Enfin, et c'est désormais démontré, le tabagisme maternel expose l'enfant à un surpoids dès l'âge 7 ans. Alors entre Bébé et la cigarette, à vous de choisir. Mais entre la pilule contraceptive et la clope, aussi ! C'est de notoriété publique certes, mais près d'un tiers des femmes sous contraception orale continuent de fumer. Or vous devez savoir que vous courez un risque démesuré de maladies cardiovasculaires. Selon Geneviève Derumeaux, cardiologue au CHU de Lyon en France, « le risque de décès par maladie coronarienne chez une femme sous pilule et qui fume un paquet depuis 15 ans est multiplié par 5 en comparaison d'une femme qui ne fume pas »... Autre mauvaise nouvelle Mesdames, sachez que vous constituez une cible privilégiée pour les cigarettiers. Des chercheurs de l'Université de Harvard aux Etats-Unis, se sont procuré 30 ans de documents internes à l'industrie du tabac. Leur rapport est édifiant. Les industriels ont semble-t-il longtemps « planché » sur une nouvelle forme de cigarette, spécialement conçue pour vous. « Plus longue, plus fine et porteuse des promesses fausses d'un produit moins dangereux pour la santé », précisent les auteurs. L’objectif, donner l’impression aux consommatrices d'avaler moins de nicotine et de goudron. Les compagnies auraient également exploré maintes pistes pour intégrer aux cigarettes des additifs susceptibles de diminuer... l'appétit ! Les auteurs citent l'exemple de l'une d'entre elles, qui a proposé de créer un « goût unique qui diminuerait l'appétit du fumeur ». Avec notamment un additif à base d'eau-de-vie, de chocolat mentholé, de cannelle, de menthe verte et de miel ! Résultat, le tabagisme féminin devrait encore augmenter de 20% d'ici 2025. Dans 15 ans, le tabac fera 20 morts à la minute. Dès 2020 et si rien n’est fait, il tuera 10 millions de personnes dans le monde chaque année. Soit deux fois plus qu'aujourd'hui. Et il ne s'agit là que d'une estimation... basse. Bien sûr, des progrès réels en matière de lutte contre le tabagisme ont été réalisés dans de nombreux pays. Pour ne citer qu’eux l’Irlande, la Norvège, l’Espagne, la Suède, la Nouvelle-Zélande, l’Italie et le royaume du Bouthan ont osé dire « stop » au tabac en interdisant la cigarette dans tous les lieux publics. Quant au reste de la planète... pas grand chose finalement. Et cela, en dépit de l’entrée en vigueur il y a deux ans de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte contre le tabac. Un texte qui prévoit de normaliser à l’échelle mondiale le prix du tabac, la publicité en faveur des produits qui en sont dérivés, et les activités de parrainage. La répression du commerce illicite et la protection des non-fumeurs sont également des points forts de cette Convention-cadre. Tout cela, c’est la théorie. Mais sur le terrain, les choses n’évoluent pas si rapidement. La cigarette a encore de beaux jours devant elle. Surtout dans les pays en développement. Au Liban par exemple, un paquet coûte moins d’un euro ! Idem pour les pays d’Amérique du Sud, d’Asie et d’Afrique. L’Afrique qui en plus, est devenue le terrain de chasse privilégié des cigarettiers. Depuis une dizaine d'années en effet, le continent africain connaît la plus forte progression mondiale de consommation de tabac, avec une augmentation de 40% ! Et de l'aveu même de l'industrie du tabac, cette croissance restera soutenue au cours des prochaines années. Inoussa Saouna préside l'association SOS-Tabagisme au Niger. Il dénonce aujourd'hui les agissements des cigarettiers, qui mènent selon lui « des actions de propagande, organisant des tombolas gratuites sur les lieux de vente de cigarette et s'associant à des constructeurs de téléphones portables pour proposer des mobiles dont l'habillage reproduit un paquet de cigarettes ». Le danger est partout, même au niveau des instances internationales. Sous couvert de bonnes intentions, l'ONU invite les grandes multinationales et les pays les moins avancés à collaborer contre le commerce du tabac. Le hic, c'est que la première multinationale de la liste de partenaires établie par l'ONU est… British American Tobacco. Etrange partenaire... La résistance commence néanmoins à s'organiser. Et des pays comme le Niger et le Mali connaissent leurs premiers procès contre les cigarettiers. La lutte contre le tabac au niveau mondial n’en est donc qu’à ces débuts. Mais il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer. Même si un ancien fumeur ne récupère jamais l’intégralité de ses capacités respiratoires. « Malheureusement on ne regagne pas ce que l’on a perdu. Donc lorsqu’on a une destruction d’un certain nombre d’éléments du poumon, on ne va pas récupérer. Par contre ce que l’on sait, et qui a été démontré depuis longtemps, c’est qu’on va avoir une dégradation de sa fonction respiratoire qui va rejoindre celle des non-fumeurs. Du fait de l’âge, à partir de 25-30 ans, on commence à avoir un déclin de sa fonction respiratoire qui est très progressif. Mais quand on fume, on peut avoir un déclin beaucoup plus rapide. Et c’est cela qui conduit à l’insuffisance respiratoire. Et si on arrête de fumer, à ce moment-là on rejoint en terme de fonction, ceux qui ne fument pas, ceux qui ne sont pas sensibles au tabac. Et on va donc prolonger la survie si on arrête de fumer. » En effet, arrêter de fumer peut réellement vous sauver la vie. Un ancien fumeur repenti par exemple, réduit considérablement ses risques de développer un cancer du poumon. Une équipe américaine pense même avoir trouvé une explication à cette réduction. Une protéine qui protège les muqueuses pulmonaires serait davantage présente chez les anciens fumeurs que chez les fumeurs. Encore peu étudiée, la protéine CC10 – c’est son nom - pourrait jouer selon l’auteur « un rôle protecteur contre les maladies pulmonaires ». Voici donc une bonne nouvelle pour les candidats au sevrage. Et une preuve supplémentaire des bénéfices que chaque fumeur peut retirer d'un arrêt total.
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