VIH/SIDA : au Rwanda, les limites du discours de prévention
01 décembre 2011
« Je n’ai jamais fait le test ». A 21 ans pourtant, Francis, assure qu’il se protège contre le VIH, « par l’abstinence et le préservatif si besoin ». Malgré cette assurance que semblent d’ailleurs partager ses camarades, près de 170 000 Rwandais sur 11 millions, sont séropositifs. Ce qui représente 1,5% de la population.
La baisse du taux de prévalence de l’infection à VIH au Rwanda est importante. Elle est en effet passée de 10,8% à 2,3% entre 2004 et 2010, des chiffres très en retrait de ceux observés dans d’autres états de la région. Malgré tout le nombre de jeunes Rwandais débutant leur vie sexuelle avant 15 ans est en augmentation, de sorte que le combat pour la prévention est permanent.
Dans ces conditions, il est bien difficile de savoir si le discours correspond réellement aux comportements. En tout cas, la route est encore longue pour vaincre l’épidémie dans ce petit pays africain, enclavé dans la région des grands lacs. Zoom sur quelques-uns des outils déployés par les autorités et les Organisations non gouvernementales (ONG) qui oeuvrent sur place.
«
Changer les attitudes et les comportements ». C’est l’objectif de l’ONG américaine
Population Services International (PSI) dans les activités qu’elle mène au Rwanda. Surtout dans le domaine de la lutte contre le
VIH/SIDA. Ses responsables prônent en effet «
l’abstinence, la fidélité mutuelle et l’utilisation correcte et régulière de préservatifs », explique Concessa Mukamusoni, spécialiste de la prévention contre le VIH chez PSI au Rwanda. Transposé à la culture locale, ce mélange de pratiques préventives ne paraît pas totalement réaliste…
Dans la « boîte à outils » de PSI se trouve un outil de poids, le cinéma ambulant. «
Notre véhicule chargé du matériel de projection, nous permet de diffuser un film de prévention dans une municipalité différente, une fois par mois. Nous visons les populations à risque comme les travailleurs sexuels, les routiers du corridor de l’Afrique de l’Est qui relie Mombasa (Kenya) à Kigali (Rwanda), mais aussi les jeunes », ajoute-t-elle. Souvent, les courts-métrages sont réalisés dans les écoles du pays par des jeunes.
Un autre facteur rend encore plus vulnérables ces jeunes Rwandais face à l’épidémie. Concessa Mukamusoni appelle cela le «
sexe transgénérationnel ». Il s’exerce aux dépends d’adolescents et même d’enfants, qui sont initiés aux relations sexuelles, puis maintenus dans ces dernières, par des individus plus âgés. «
Il y en a de plus en plus. Certains répondent à des propositions d’argent. Le nombre d’orphelins laissés par le génocide de 1994 explique sans doute en partie le développement de ce phénomène », suggère-t-elle. L’ONG s’attache donc, à aider les enfants à refuser ce type de propositions. Toutefois, la pauvreté restant le fondement de ces comportements, l’éducation n’est probablement pas à elle seule, la solution miracle…
Test et réticences
Depuis 2 ans, le jeune Francis que nous venons d’évoquer, fréquente le centre pour les jeunes de Kabuga, dans la province de Kigali. Géré par le Conseil national rwandais de la Jeunesse et soutenu par PSI, ce dernier propose éducation, formation et loisirs aux jeunes de la région. Basket, volley-ball, judo, danse traditionnelle et ateliers de tressage et de vannerie… Variées, les activités permettent de passer du bon temps et de se former à un métier. A l’intérieur de cette structure fonctionne un centre de dépistage anonyme et gratuit. «
Nous recevons des jeunes de 15 à 25 ans, seuls ou en couple. Et une majorité de filles », indique Bernadette Buhunge, infirmière dans le service.
Outre la possibilité de faire le test du
VIH/SIDA, le service propose des conseils de protection contre le virus. «
Nous leur montrons comment utiliser les préservatifs. Et dans le cadre d’entretiens individualisés, nous insistons sur le fait que, même si le test est négatif, la protection doit être maintenue ». En cas de résultat positif, en revanche les jeunes sont dirigés vers le centre de santé le plus proche de chez eux, pour y être traités.
Contrairement à Francis, Sandra vient de faire le test. «
Je passais par là » dit-elle comme pour se justifier. Le résultat est négatif. Soulagée, elle assure qu’elle restera abstinente pour ne plus avoir peur d’être malade et parce qu’ «
elle n’est pas sûre des préservatifs ». Le message de la protection active par utilisation de préservatifs, ne semble pas encore avoir convaincu tous les jeunes Rwandais. Pas plus que le message d’abstinence… Selon le dernier rapport de l’ONUSIDA, «
la proportion de jeunes ayant des rapports sexuels avant 15 ans a augmenté parmi les jeunes hommes au Rwanda ». Sans doute cette tendance – que nous avons pu observer dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne- traduit-elle la
limite d’une certaine forme de discours préventif.