EHPAD : les ordonnances «mille-feuilles» de nos aînés
10 janvier 2014
Isolement, perte d’autonomie, moral en berne… quand le lit des pathologies s’épaissit, le pilulier a lui aussi tendance à s’alourdir. A tel point qu’aujourd’hui, un résidant en EHPAD (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) consomme – en moyenne – 8 médicaments par jour. Bien au-delà du seuil des 5 molécules recommandées afin de limiter le risque d’interactions médicamenteuses.
Les Français consomment en moyenne… 48 boîtes de médicaments chaque année. Première tranche d’âgée fragilisée par l’abus de prescriptions ? Les aînés. Et de loin. A eux seuls, « les plus de 60 ans consomment 40% des médicaments délivrés à l’ensemble des Français », précise le Pr Philippe Verger, directeur du pôle Gérontologie au CHU de Limoges. Plus alarmant encore, « environ 12% des prescriptions sont faites aux plus de 80 ans », ajoute-t-il dans son rapport remis récemment au ministère de la Santé et intitulé La politique du médicament en EHPAD. Or en vieillissant, l’organisme – très sensible aux médicaments – met aussi beaucoup plus de temps à les éliminer. Et subit donc les conséquences liées aux « surdosages » ainsi qu’aux prescriptions inappropriées.
Un mauvais cocktail
En France, 6% des plus de 60 ans – au nombre de 12 millions dans le pays – vivent en institution. Conséquence de la multiplication des prescripteurs (médecins généralistes, gériatres, urgentistes…), certains seniors voient leur ordonnance passer de 3 à 8 lignes. A cela s’ajoute la tendance à l’automédication. Or à partir de 5 molécules administrées au quotidien, les risques de chute, de troubles de la mémoire et de l’humeur augmentent. Le rythme cardiaque, la digestion et les cycles du sommeil peuvent également être affectés.
Limiter le mésusage du médicament
Selon le Pr Philippe Verger, ces effets indésirables liés à la polymédication « pourraient diminuer de 30 à 60% ». Et ce en adaptant les cursus des professionnels de santé au vieillissement de la population. « Les médecins doivent être préparés à prescrire, de façon adaptée, compte tenu des demandes des patients, de leurs besoins de santé, des exigences de la collectivité ».
Davantage tournées vers les soins hospitaliers, « les formations délivrées en médecine ne préparent pas suffisamment à la prescription en EHPAD », poursuit le médecin. Un bagage pourtant essentiel « afin de sensibiliser les soignants aux risques médicamenteux. Tous les futurs médecins devraient pouvoir bénéficier d’un module de gériatrie dans le deuxième cycle des études médicales ».
En cas de doute, les patients concernés par une prise importante de médicament doivent pouvoir solliciter les professionnels chargés d’informer des effets indésirables des médicaments.
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Source : Rapport La politique du médicament en Ehpad. 12 décembre 2013 - Pr. Philippe Verger, directeur de la Politique Gérontologie au CHU de Limoges.
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Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Emmanuel Ducreuzet