Epidémie de conjonctivite : l’OMS fait le point
04 septembre 2003
Depuis quelques jours l’Algérie souffre d’une épidémie de conjonctivite. Une situation d’autant plus traumatisante que le phénomène touche des milliers d’Algériens, déjà meurtris par le séisme de Bou Merdès.
Toutefois dans le cas qui préoccupe aujourd’hui le public, il est inutile de s’alarmer. Et surtout comme nous l’a expliqué le Dr Silvio Mariotti, ophtalmologiste au siège de l’OMS que Destination Santé a pu joindre ce mercredi à Genève, ce serait contraire à l’intérêt de chacun.
Aucun lien avec le séisme
Au département « Prévention de la Cécité et de la Surdité » de l’Organisation, ce spécialiste suit la situation au jour le jour. Et il insiste sur le fait que la solution au problème actuel relève principalement de la responsabilité de chaque individu. « Ce type d’épidémie n’engendre pas de conséquences majeures pour la santé des personnes infectées », nous a-t-il assuré au cours d’un entretien exclusif. “Sa durée excède rarement une semaine. Les symptômes eux, disparaissent au bout de 5 à 7 jours ».
En clair, cela signifie que si la propagation de la maladie peut s’étaler sur une semaine de calendrier, chaque malade va être touché pendant 5 à 7 jours en moyenne. De sorte que la maladie risque d’être présente un peu plus de deux semaines sur le terrain… Maintenant, comment peut-on expliquer l’apparition du phénomène ?
Un virus de passage ?
Des épidémies de conjonctivites aiguës associées à une infection par un entérovirus de type 70 surviennent régulièrement sur le continent africain et en Asie. Il existe aussi bien d’autres virus, souvent banaux, susceptibles de provoquer des conjonctivites plus ou moins graves dans leurs manifestations. Ainsi n’existe-t-il probablement pas de cause unique à cette flambée épidémique. Pas de réservoir de virus, qu’il soit animal ou autre par exemple, et qu’il aurait été possible de détruire par avance…
Plus probablement, il s’agit peut-être d’un virus « de passage », qui a frappé un sujet affaibli puis provoqué ces cas de conjonctivite, comme en d’autres circonstances on observe des gastro-entérites par exemple… Il arrive fréquemment aussi qu’une irritation conjonctivale par le vent, la poussière, la fumée ou d’autres types de pollutions atmosphériques soit associée à ce type d’épidémie et en majore les effets. Pourtant d’après Silvio Mariotti, il semble bien que l’épidémie actuellement observée en Algérie soit d’origine exclusivement virale.
Des traitements pour soulager les symptômes
Que faire, alors ? D’abord, ne pas s’inquiéter plus que de mesure et prendre des précautions personnelles. Comme le rappelle le spécialiste de l’OMS, « ces épidémies ne provoquent pas de cécité. Le seul danger provient du fait que la personne infectée peut présenter un germe bactérien au niveau de ses yeux. » Pourquoi est-ce dangereux ? Parce que si la prise d’antibiotiques contre une infection virale est inutile – voire nuisible – elle peut devenir nécessaire lorsque l’infection est liée à une bactérie. Il est donc très important que cette surinfection – l’ajout d’une infection bactérienne sur une infection virale – ne passe pas inaperçue !
Si l’épidémie est d’origine virale et non bactérienne, cela signifie que « les traitements disponibles peuvent seulement soulager les symptômes ». La meilleure protection, c’est la prudence. En de telles circonstances les soignants eux-mêmes – médecins, infirmiers… – font très attention à se laver très soigneusement les mains. Ils stérilisent aussi tous leurs instruments, pour éviter justement de répandre la maladie d’un malade à un autre.
Les patients, c’est évident, doivent adopter les mêmes précautions : lavage fréquent et soigneux des mains, avec de l’eau et du savon. Lavage des yeux avec l’eau bouillie refroidie, en utilisant un coton que l’on change à chaque fois, et pour chaque oeil. Ainsi évitera-t-on de contaminer l’oeil droit s’il est sain, en utilisant un linge qui aurait servi pour la toilette de l’oeil gauche !
Attention aussi aux médicaments ; n’en prenez aucun sans instruction médicale. Et évitez soigneusement tout produit à la cortisone, qui pourrait provoquer une extension de l’infection et de l’épidémie !
Pour vous protéger, d’abord l’hygiène !
« La diffusion du virus a été accentuée par le manque d’hygiène dans les lieux touchés par le séisme », souligne Silvio Mariotti. « Parce que les gens vivent en promiscuité depuis le drame du mois d’avril ». L’absence d’hygiène est un facteur déclenchant de la maladie, même si elle n’est pas une cause directe de l’apparition du virus. Seul le respect scrupuleux par chacun des règles d’hygiène pourra donc limiter la diffusion du virus. « Il faut éviter de partager le linge de maison, les mouchoirs, de s’essuyer les yeux avec les mains. Bien sûr, chacun doit veiller à se laver régulièrement, correctement, et soigneusement les yeux, les mains et même le nez ». En effet, chaque patient doit se servir de ses propres serviettes et surtout ne pas recouvrir ses yeux de pansements.
La solution passe donc à la fois par un renforcement des mesures d’hygiène, et par la limitation de la promiscuité. « C’est seulement en respectant ces deux mesures que la chaîne de transmission pourra être coupée », conclut-il.