Être bon en maths est-il inscrit dans les gènes ?

07 juillet 2022

Une fois tous les 4 ans, la fine fleur des mathématiques se réunit au Congrès international des mathématiciens pour y décerner la prestigieuse Médaille Fields, sorte de Prix Nobel de Mathématiques. Cette année, un Français, Hugo Duminil-Copin, s’y est illustré. L’occasion de s’interroger : avoir des facilités dans une telle matière, est-ce écrit dans nos gènes ou est-ce une question de travail ? Ou bien un peu des deux ?

S’il est une matière qui déchaîne les passions à l’école, ce sont bien les mathématiques. Adorées par certains, elles sont sources d’anxiété voire de phobie pour d’autres. Mais qu’est ce qui fait que l’on cartonne en maths, ou qu’au contraire, on n’y comprenne rien ?

La bosse des maths, héréditaire ?

Des chercheurs de l’Université Johns Hopkins se sont ainsi interrogés : « nous acceptons que certaines personnes naissent avec un talent pour la musique ou l’art en général. Mais qu’en est-il des mathématiques ? Est-ce que certains d’entre nous arrivent au monde avec de meilleures compétences que d’autres ? » A cette question, ils répondent par l’affirmative.

L’équipe s’est intéressée à un concept appelé « le sens du nombre » chez des enfants qui n’avaient pas encore suivi de cours de mathématiques. Alors c’est quoi, ce « sens du nombre » ? C’est en fait notre capacité à percevoir et à manipuler les chiffres. Par exemple, nous l’utilisons fréquemment pour, d’un coup d’œil, estimer le nombre de places libres dans une salle de cinéma ou le nombre de personnes dans une réunion.

Les scientifiques ont effectué différents tests sur 200 enfants de 4 ans. Ils leur ont notamment demandé d’observer des groupes de points (bleus et jaunes) sur un ordinateur et d’évaluer le plus rapidement la couleur dominante à l’écran. Certaines comparaisons étaient faciles (comparer cinq points jaunes contre 10 points bleus). D’autres étaient beaucoup plus difficiles (comme comparer cinq points jaunes à six points bleus). Les auteurs ont alors observé que ceux qui possédaient ce fameux sens du nombre étaient aussi ceux qui réussissaient le mieux à un test standardisé de capacité mathématique précoce. Et plus les enfants étaient précis dans le test de couleur, plus leur niveau en maths était élevé.

Des scientifiques allemands de l’Institut Max Planck sont allés encore plus loin, dans une étude publiée en 2020 : ils ont carrément affirmé que 20% de nos capacités en mathématiques pouvaient être attribuées à un gène appelé ROBO1. Lequel influencerait le volume du lobe pariétal droit qui remplit de nombreuses fonctions importantes dans le raisonnement linguistique et mathématique.

Inné ou acquis ?

Si la génétique semble jouer un rôle, elle n’est pas le seul facteur à prendre en compte. Voici quelques années, 2 universitaires américains – Miles Kimball et Noah Smith, respectivement professeurs d’économie et de finances – ont publié une tribune sur le site Quartz.com visant à déconstruire ce mythe des maths.

Sans nier pour autant l’implication génétique, ils expliquent que l’environnement (familial entre autres) influence grandement les capacités. « Nous avons tous les deux enseigné les mathématiques pendant de nombreuses années et nous avons vu le schéma suivant se répéter :

  • Certains de ces enfants ont des parents qui les ont stimulés aux chiffres et aux raisonnements dès leur plus jeune âge, tandis que d’autres n’ont jamais eu ce genre de contribution parentale.
  • Lors des premiers tests, les enfants préparés obtiennent des scores parfaits, tandis que les enfants non préparés n’obtiennent pas de tels résultats
  • Les enfants bien préparés, supposent qu’ils sont « matheux » et travaillent dur pour le rester
  • Les enfants non préparés, eux, supposent qu’ils sont mauvais en maths et ne font plus d’efforts. » Pour ces deux auteurs, cela revient tout simplement à de l’auto-sabotage.

Aimer pour apprendre

Toujours dans les colonnes de Quartz, le Pr Miles Kimbal de l’Université du Colorado à Boulder, explique que « personne ne sait encore exactement comment les gènes, l’environnement et l’effort interagissent pour déterminer les compétences en mathématiques ». Ainsi propose-t-il une hypothèse nommée « aimer-apprendre ».

Selon lui, comme dans n’importe quelle discipline, plus le temps passé à réfléchir et à travailler sur les mathématiques est élevé, plus le niveau de compétence mathématique atteint est élevé. « Pensez aux mathématiques comme à la lecture. Tout le monde n’aime pas lire. Si votre enfant a une mauvaise expérience en matière de lecture, ou s’il s’ennuie, essayez de trouver de quoi l’encourager en trouvant des livres passionnants pour lui. ». Et pour les maths ? Eh bien c’est pareil.

  • Source : Developmental Science - PLOS Biology - https://qz.com/

  • Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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