Exposition précoce à la pornographie : en parler pour prévenir
20 janvier 2022
Les enfants sont exposés de plus en plus tôt à des contenus pornographiques via Internet. Pourtant, voir ces images à l’âge de l’école primaire n’est pas sans conséquence. Il est donc essentiel que ce sujet ne reste pas tabou. Explications avec le Pr Philippe Duverger, pédopsychiatre au CHU d’Angers.
Avec Internet, l’accès à toutes sortes d’images, y compris pornographiques est désormais facilité. Les enfants ne sont pas épargnés. Résultats l’âge moyen de première exposition à une image porno s’établit à 11 ans. Mais ce n’est qu’une moyenne. Ce qui signifie qu’un nombre non négligeable d’enfants de primaire (âgés de 6 à 10 ans) en voient, souvent accidentellement.
Or dans cette période de développement psychique, de telles découvertes ne sont pas sans conséquence. « Face à ces images, l’enfant se trouve dans une situation de sidération et parfois de fascination », décrit le Pr Duverger. Il est dans « l’incompréhension et n’a pas la capacité de les décoder, de les analyser ». Il se trouve alors « au contact d’un réel qui n’a pas de sens pour lui », poursuit-il. Ce qui peut créer un véritable traumatisme.
Le dialogue pour protéger, éduquer
Lorsque cela survient, « l’image reste gravée dans l’imaginaire de l’enfant » et peut provoquer des symptômes comme des troubles du sommeil, des modifications de comportement (une apathie ou au contraire une surexcitation générale). Mais pas toujours. Un traumatisme est la conséquence d’un événement qui ne parvient pas à être verbalisé, partagé. « Sa manifestation peut donc être différée de plusieurs années », note-t-il. Car « la mémoire n’est pas linéaire et certaines choses peuvent être refoulées ».
C’est pourquoi il est primordial d’en parler à tous les enfants d’une façon adaptée à leur âge, et plusieurs fois au cours de leur vie. « Il s’agit d’ouvrir le dialogue, de les prévenir que certaines images peuvent être violentes, dérangeantes… », décrit le Pr Duverger. Certes il est préférable de ne pas les laisser seuls devant les écrans connectés à Internet lorsqu’ils ont 8-10 ans. A fortiori plus jeunes. Mais « c’est inévitable, ils seront un jour ou l’autre confrontés à des images que vous n’aurez pas validées », souligne le Pr Duverger. « Les enfants en parlent entre eux, font circuler des photos… »
Le cyberharcèlement comme conséquence ?
Le dialogue et la prévention sont donc le seul moyen de les protéger des conséquences d’une telle exposition. « Il faut leur parler des interdits, de ce qui est inacceptable, du rapport à l’autre, du respect de l’autre car c’est cela qui se joue dans la pornographie », estime-t-il. « Il y a là des rapports de domination, de violence. » Le but ? « Qu’ils ne croient pas que ce qu’ils voient doit être reproduit simplement parce que ça existe », déroule-t-il. Ce qui se produit dans de nombreux cas de cyberharcèlement selon le pédopsychiatre. Le fait de partager les photos nues d’une petite amie par exemple – ce qui constitue du harcèlement et peut avoir de graves conséquences – révèle que ces ados ont été exposés bien plus jeunes, bien avant le collège, sont restés fascinés par ce qu’ils ont vu, et reproduisent ce rapport à l’autre.
Être responsable pour les parents c’est ne pas laisser cette réalité crue de façon brute mais de l’expliquer, de la verbaliser. En amont et également en cas de question de la part des enfants. Cette attitude permet ainsi de montrer à l’enfant « comment on traite les images, comment on est capable de dire stop, de ne pas être dans la surenchère, dans la consommation des images, puis des autres individus, sans se poser de questions », conclut-il.
A noter : si vous avez des interrogations, des inquiétudes, n’hésitez pas à en parler avec votre médecin, un psychologue ou un psychiatre.
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Source : interview du Pr Philippe Duverger, pédopsychiatre au CHU d’Angers, 13 janvier 2022
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet