Famille : pourquoi choisit-on le même métier que ses parents ?
11 août 2023
Comment expliquer que certains enfants aient envie de suivre la même voie professionnelle que l’un de leurs parents ? S’agit-il alors de leur propre choix ou sont-ils guidés par l’envie irrésistible de plaire à ce parent. On a posé ces questions à Michael Larrar, psychiatre, spécialiste des enfants et des adolescents. Entretien.
Destination Santé : Pourquoi certains jeunes adultes suivent-ils la même voie professionnelle que l’un de leurs parents ?
Michael Larrar : Il est tout à fait naturel pour un enfant, quand ses relations avec ses parents sont harmonieuses, de les idéaliser. Les jeunes enfants tirent une grande fierté à vouloir faire comme papa, surtout chez les garçons, et comme maman, surtout chez les filles. Ils sont nourris par les goûts de leurs parents. Un parent passionné par un sujet fera vivre cette passion à son enfant et celui-ci aura alors toutes les chances de développer ce même goût voire des compétences dans ce domaine. L’enfant développe aussi très tôt une identification, tout à fait normal, envers son père ou sa mère. On veut copier le parent, faire comme lui.
C’est donc à l’adolescence que l’enfant va, dans la majorité des cas, se dissocier de ses parents ?
Oui, à l’adolescence, on retrouve normalement une désidéalisation des parents. C’est à ce moment-là que la majorité des chemins enfants-parents se séparent. On ne veut plus faire comme le parent, voire, on veut faire exactement l’inverse. Mais parfois, chez certains adolescents, l’idéalisation perdure. On continue à vouloir suivre la même voie professionnelle que son parent, parce qu’on considère que cela a été bon pour lui. Et c’est assez rassurant de choisir cette même voie.
On observe bien plus souvent ce phénomène chez des enfants d’artistes, d’intellectuels, de scientifiques…
Oui, les enfants gardent en tête qu’il y avait quelque chose d’extraordinaire dans ce que faisait le parent, parce qu’il est resté fasciné par son parent, parce que ce parent a parlé avec énormément de plaisir de son travail ou a donné l’impression qu’il s’y passait quelque chose de très spécial, ou pour toutes ces raisons en même temps. On sait bien que tous les métiers ne sont pas équivalents. Il est plus fascinant pour un enfant d’avoir un parent comédien qui passe à la télé que d’avoir un père employé dans une société. Il part le matin, il rentre le soir, il ne raconte jamais que c’était génial. Quand les enfants choisissent le même job que leur parent, il s’agit de métiers qui ont un fort potentiel excitant, attractif ou apporte une dimension sociale de grande envergure.
A quel moment ce mimétisme peut-il poser problème ?
Cela posera un problème si l’enfant ne parvient pas à se hisser à la même hauteur que ses parents. Il se sentira incapable, inférieur à son père ou sa mère. C’est difficile de se rendre compte qu’on est moins bon dans un même registre. C’est pourquoi il vaut mieux éviter de faire la même chose, ainsi on évite la comparaison. Pour les enfants de médecins qui ratent le concours de médecine, c’est très dur. L’enfant ne fera plus jamais médecine, son amour propre en prend un coup et il se dit qu’il n’est pas du niveau de ses parents.
C’est difficile de se demander si on choisit un métier parce qu’on veut le faire ou parce que c’est le choix de ses parents ?
Il faut toujours, face à des choix aussi importants, prendre du recul et se poser les bonnes questions. Est-ce mon choix ou celui de mes parents ? C’est une question à se poser. Mais un adolescent qui n’est pas trop soumis à ses parents saura faire la part des choses et avoir le courage de s’opposer. Ce sera plus difficile pour un enfant très timide et angoissé. La question qui peut être encore plus difficile à se poser c’est : ‘est-ce que je fais ce choix pour moi ou pour séduire mes parents et mon entourage’ ? Il faut bien sûr essayer le moins possible de prendre de grandes décisions personnelles pour plaire à ses proches mais bien parce que c’est vraiment la voie professionnelle qu’on veut suivre.
Et quoiqu’il en soit, n’est-on par toujours influencé par ses parents et son éducation au moment de faire des choix professionnels ?
Aucun choix, qu’il soit professionnel, amoureux, n’est absolument libre. Qu’il s’agisse de se démarquer ou de plaire, toutes nos décisions, surtout sur des grands sujets, sont influencées par notre entourage. Et c’est absolument normal. Je crois qu’il faut y réfléchir quand les choix faits ne rendent pas heureux. S’ils rendent heureux alors, on n’est pas obligé de les psychanalyser.
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Source : Interview de Michaël Larrar, psychiatre, mardi 1er août 2023
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par : Emmanuel Ducreuzet