Faut-il décalotter le pénis des petits garçons ?
06 novembre 2015
©Phovoir
Chez la plupart des petits garçons, le prépuce ne peut pas se retirer pour dégager le gland. Il faut généralement attendre un peu avant que cette manœuvre soit réalisable. Très longtemps, les médecins, mères et grand-mères avaient pour habitude d’aider un peu la nature, en libérant de force le prépuce. Objectif, éviter que ce dernier ne reste bloqué. Mais cette pratique est remise en question, et les parents se trouvent souvent perdus.
A la naissance, le pénis de la plupart des petits garçons (96%) n’est pas décalottable. Cet état physiologique évolue spontanément avec les premières érections et la croissance chez la plupart d’entre eux, avant l’âge de 5 ans. Faut-il pour autant laisser faire la nature ? Selon le Dr Véronique Desvignes, « un pourcentage non négligeable seront concernés par des difficultés dans ce domaine. Certains présenteront un vrai phimosis pathologique, c’est-à-dire un anneau préputial très étroit empêchant le gland de sortir. Celui-ci nécessitera une intervention chirurgicale. »
C’est pourquoi, comme une partie des pédiatres, elle préfère « aider un peu la nature » chez tous les petits garçons. Dans le détail, il s’agit de pratiquer des manœuvres libératoires pour dégager progressivement le gland du prépuce. « Autrefois, les médecins, mais aussi les mères ou les grands-mères, se chargeaient de décalotter très tôt le nourrisson dans le bain », raconte-t-elle. Puis sont intervenues des réactions de la part de certains médecins contre ces manipulations. Leurs arguments ? Le décalottage forcé risquerait de provoquer un phimosis cicatriciel. Et surtout, la nature s’en charge !
« C’est d’ailleurs souvent le cas », admet le Dr Desvignes, insistant sur le fait qu’elle ne détient pas la solution idéale. « D’autant qu’il y a presque autant d’avis que de pédiatres ! » Mais, selon elle, « si le décalottage peut être désagréable, il est moins traumatisant lorsque l’enfant est très petit (avant un an). Ensuite, pour ces enfants parfois déjà grands, la douleur qui suit le décalottage, notamment lors des mictions, reste longtemps gravée dans les mémoires », poursuit-elle. Et quoi qu’il en soit, « cela ne dispense pas de regarder si tout se passe bien », ajoute-t-elle.
Quelles sont les recommandations officielles ? En France, elles semblent inexistantes. Dans une étude française parue en 2005 dans les Archives de Pédiatrie, les auteurs recommandent toutefois « une abstention de tout geste de décalottage avant l’âge d’un an, la nécessité de respecter l’évolution naturelle du prépuce jusqu’à l’âge de cinq ans, et de traiter en première intention par des corticoïdes locaux les phimosis congénitaux ou secondaires plutôt que par un geste chirurgical d’emblée ».
Dans les faits, « chaque médecin semble faire à sa façon », indique la pédiatre. Certains pratiquent le décalottage précoce, avant un an. D’autres attendent 3 ou 4 ans. D’autres encore ne font rien. Quoi qu’il en soit, Véronique Desvignes insiste sur un point : « il faut quand même que le médecin et les parents examinent le prépuce du Bébé. Car parfois, il peut y avoir des soucis très tôt ». Par exemple, des dépôts importants de smegma (une sécrétion naturelle du gland) qui risquent de s’infecter ou même des balanites (inflammations du pénis). Ces infections nécessitant un décalottage, voire une circoncision, en urgence !
Quoi qu’il en soit, tous les pédiatres sont « d’accord sur certains points aujourd’hui », poursuit le Dr Desvignes. « Il ne faut pas traumatiser le prépuce ou décalotter de force (risque de saignement). La cicatrisation risquerait alors de se faire en mode fibreux. Exactement ce qu’il faut éviter. » Enfin, l’usage de dermocorticoïdes avant la manœuvre libératoire par le médecin – lorsque ce choix a été fait par les parents – est très conseillé.
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Source : interview du Dr Véronique Desvignes, 8 octobre 2015
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet