Femmes : les oubliées des études cliniques ?

08 mars 2023

Les essais cliniques incluent toujours plus d’hommes que de femmes. Pourquoi ? Quel en est l’impact sur l’évaluation des effets indésirables et l’efficacité des molécules ? Faisons le tour de la question à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes organisée ce 8 mars.

Nadya_Art/shutterstock.com

« Durant des années, les femmes ont été sous-représentées dans les études cliniques », écrit la Revue Médicale Suisse. Ainsi, en 2009, les femmes ne représentaient que 38% des participants inclus dans les cohortes, alors qu’à cette même date, elles comptaient pour 49,6% de la population générale.

Toutes spécialités confondues, le marché thérapeutique en a déjà fait les frais. « Sur les dix médicaments consécutivement retirés du marché par la FDA entre 1997 et 2000, neuf montraient une incidence globalement plus élevée d’effets indésirables chez la femme ».

Et en France, le Haut Conseil pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes (HCE) s’est, lui, emparé du sujet en rendant en 2020, son rapport « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique » au ministère en charge de la Santé. « L’absence de prise en compte du sexe et du genre peut induire des biais dans les expérimentations et les applications médicales », confirme le HCE dans ce document.

Il propose 40 recommandations pour améliorer la situation. Parmi lesquelles la création « d’une nouvelle instance de recherche publique dédiée à la thématique “Genre et Santé” pour structurer et animer les recherches en sciences sociales, en santé publique et dans le domaine biomédical ».

Débit cardiaque, masse grasse, hormones sexuelles

Un point important puisque « de nombreuses molécules n’ont pas le même effet chez les hommes et les femmes, en raison de différences pharmacodynamiques et pharmacocinétiques. » Des distinctions sont notamment rapportées au niveau « de la durée du transit, du débit cardiaque, du poids, de la masse grasse corporelle ou de filtration rénale ».

Autres facteurs distinguant les hommes des femmes : le rôle « des hormones sexuelles [féminines] et de leurs fluctuations (phase folliculaire et lutéale du cycle menstruel, effets des contraceptifs oraux, du THS, de la grossesse, de la ménopause) » connus pour moduler la pharmacocinétique et donc l’absorption des molécules.

Le cœur des femmes mal écouté

Les conséquences de ce manque d’inclusion des femmes dans la recherche sont loin d’être anodines sur le front de la santé publique. Il existe, toujours selon les chercheurs suisses, « un manque d’informations sur les effets thérapeutiques ou indésirables des substances mais aussi, plus généralement, une moins bonne connaissance des pathologies chez les femmes et une prise en charge plus souvent sous-optimale ».

Un sondage Odoxa* publié à l’occasion de la Journée internationale du droit des femmes de ce 8 mars le confirme : « 6 femmes sur 10 et 7 soignantes sur 10 pensent que la santé des femmes est le parent pauvre des politiques de santé publique ».

L’exemple le plus probant en la matière reste celui du sous-diagnostic et d’une moindre prise en charge des maladies cardiovasculaires féminines. Ainsi, « les femmes ne sont présentes qu’à hauteur de 30% dans les études cliniques alors qu’elles représentent 51% des décès d’origine cardiovasculaire ».

Et ce, alors que les symptômes d’accidents cardiaques, dans le cadre d’un infarctus du myocarde notamment, vont différer de ceux des hommes et sont donc plus difficiles à repérer. Chez les hommes, les symptômes typiques de la crise cardiaque sont la douleur dans la poitrine irradiant dans le bras gauche et la mâchoire. Chez les femmes, on retrouve plutôt « une sensation d’épuisement, un essoufflement à l’effort, une douleur aigue dans le dos, des signes digestifs, des palpitations brutales », relaie le site de l’Association Agir pour le cœur des femmes. Qui rappelle que « les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes ; près d’une femme sur trois en décède chaque année ».

Femmes de sciences

Pour les chercheurs, « la prise de conscience [doit être] médicale et également sociale », et « devra s’accompagner de changements entre autres politiques ou législatifs ». Et « le nombre grandissant de femmes médecins, y compris dans la recherche, doit continuer de jouer un rôle dans l’intérêt porté à cette partie de la population ».

*sondage mené auprès d’un échantillon 1 004 Français(es) représentatif de la population âgées de 18 ans et plus, du 16 au 17 février 2023, et 927 professionnel(le)s de santé hospitalier(e)s dont 477 infirmiers/ières, 238 aides-soignant(e)s, 35 médecins et autres soignant(e)s et 177 autres hospitaliers (personnels administratifs, cadres de santés, etc, du 15 au 17 février 2023

**Evidence-based medicine

  • Source : Revue médicale suisse, Agir pour le cœur des femmes, Haut Conseil pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes, sites consultés en mars 2023

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Édité par : Vincent Roche

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