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Classé comme cancérogène probable pour l’homme (groupe 2B par le Centre international de recherche sur le cancer), l’exposition prolongée au chlordécone, principalement par ingestion d’aliments ou d’eau contaminés, augmente le risque de cancers, en particulier du foie et de la prostate, provoque des troubles hormonaux en perturbant le fonctionnement des organes reproducteurs et la fertilité, et entraîne des effets neurologiques et cognitifs chez les enfants exposés in utero ou pendant la petite enfance, tels que retards de développement et troubles de l’attention. Il peut aussi s’accumuler dans le foie et les tissus adipeux (la graisse du corps), altérant le métabolisme et la fonction de certains organes. Un risque d’autant plus important que ce pesticide reste dans les sols pendant plusieurs décennies, contaminant les eaux souterraines, les rivières et la chaîne alimentaire.
Plusieurs études ont déjà associé l’exposition au chlordécone à des effets néfastes sur la grossesse, avec un risque accru de prématurité, ainsi que sur le développement de l’enfant, avec des scores cognitifs plus faibles et des difficultés comportementales après une exposition prénatale ou postnatale.
Des études expérimentales chez l’animal laissaient déjà penser que le chlordécone pourrait nuire à la fertilité des femmes, et une étude publiée ce 16 octobre dans Environmental Health par une équipe de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique) confirme ce lien. L’exposition féminine à ce pesticide est associée à un allongement du délai nécessaire à concevoir. Ces résultats ont été obtenus à partir des données de 668 femmes enceintes en Guadeloupe (cohorte mère-enfant Timoun) entre novembre 2004 et décembre 2007.
L’exposition au chlordécone est associée, avec une tendance dose-réponse. En clair « plus les femmes ont été exposées à des niveaux élevés de chlordécone, plus elles ont mis de temps à concevoir leur enfant », résume Luc Multigner, directeur de recherche émérite à l’Inserm et co-auteur de l’étude.
Concrètement, les femmes les plus exposées, dont la concentration de chlordécone dans le sang dépassait 0,4 µg/l, mettaient plus de temps à concevoir, et leur probabilité de réussir à tomber enceinte au cours d’un cycle menstruel était réduite d’environ un quart (entre 24 et 28 % pour les deux groupes les plus exposés).
En l’absence de mesures de l’exposition chez les partenaires masculins, il reste difficile d’attribuer cet allongement du délai à concevoir uniquement aux femmes. « Cependant, des études précédentes menées en Guadeloupe chez les hommes, à des niveaux d’exposition similaires à ceux des femmes, n’avaient montré aucun effet sur la qualité du sperme ni sur les hormones de la reproduction. Chez des animaux de laboratoire, le chlordécone a déjà été associé à une diminution de la fertilité des femelles. À la lumière de tous ces travaux, notre étude soutient l’hypothèse selon laquelle ce pesticide pourrait altérer la fertilité des femmes », précise le chercheur.
Même si l’association observée est significative, l’étude ne permet pas d’établir un lien de cause à effet. L’infertilité féminine peut en effet avoir de multiples origines. Pour y voir plus clair, « l’étude Karu-Fertil, en cours en Guadeloupe, permettra de mieux préciser les liens entre l’exposition au chlordécone et l’infertilité féminine », explique Ronan Garlantézec, professeur de santé publique à l’Université de Rennes et responsable scientifique de cette étude.
Source : Communiqué « L’exposition au chlordécone rallonge le délai pour concevoir un enfant (16 Oct 2025) Inserm » ; Chlordecone exposure in women and time to pregnancy: the Timoun cohort study in Guadeloupe, French West Indies Environmental Health 24, Article number: 78 (16 octobre 2025)
Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet