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Le cancer du sein est le plus fréquent et le plus meurtrier chez la femme, bien que son incidence et sa mortalité diminuent progressivement. Lorsqu’il est dépisté précocement, le pronostic est favorable, avec un taux de survie à 5 ans de 88 %. Le nombre de femmes qui y ont survécu augmente chaque année, grâce aux progrès des traitements et des stratégies de dépistage.
Les médicaments qui empêchent l’organisme de produire des œstrogènes peuvent prévenir ou stopper la propagation du cancer du sein. Cependant, ces traitements anti-œstrogènes, appelés inhibiteurs de l’aromatase, peuvent également aggraver les symptômes génito-urinaires de la ménopause (SGUM). « Nos données montrent que jusqu’à 20 % des survivantes d’un cancer du sein sous inhibiteurs de l’aromatase arrêtent prématurément leur traitement en raison de symptômes sévères du SGUM, explique la Dre Anita Chen, gynécologue à la Mayo Clinic (Jacksonville, Floride, États-Unis). Cet arrêt prématuré du traitement peut aggraver les résultats de survie au cancer du sein. Des options thérapeutiques non hormonales sont nécessaires ».
Recherchant une autre option, la Dre Anita Chen, l’auteure principale d’une étude qui vient d’être publiée dans la revue scientifique Obstetrics & Gynecology et son équipe ont mené un essai clinique de phase 1 auprès de 20 femmes (âge moyen 53,6 ans) ayant survécu à un cancer du sein et rapportant une sécheresse vaginale, avec ou sans dyspareunie, afin de tester l’efficacité du plasma autologue riche en plaquettes (PRP), la partie du sang aux propriétés auto-cicatrisantes et régénératrices. Leur but était de déterminer son potentiel thérapeutique. La majorité des femmes présentait un cancer du sein hormonosensible (85 %), dont 65 % suivaient un traitement par inhibiteur de l’aromatase.
Concrètement, dans cette étude pilote, du sang a été prélevé sur chaque participante, puis centrifugé pour obtenir des plaquettes et du plasma. Leur propre PRP a ensuite été injecté en une seule fois de manière diffuse au niveau du vagin (fourchette postérieure) et du canal vaginal de chacune des patientes. « Après six mois, les symptômes de la ménopause liés au cancer du sein s’étaient significativement améliorés, notamment la fonction sexuelle, les symptômes urinaires et la qualité de vie globale, même chez celles qui continuaient à prendre des inhibiteurs d’œstrogènes », explique le Dr Emanuel Trabuco, chercheur à la Mayo Clinic et co-auteur de l’étude. La Dre Chen ajoute : « toutes nos participantes ont suivi le protocole d’injection et bénéficié d’un suivi rigoureux, ce qui suggère que cette population souhaite un traitement pour une affection gênante, probablement sous-déclarée, sous-estimée et sous-traitée. Plus important encore, aucune participante n’a interrompu son traitement contre le cancer du sein ni n’a présenté de récidive de cancer pendant l’étude. »
En résumé, dans cette étude « preuve de concept », une injection unique de plasma riche en plaquettes s’est révélée sûre et efficace pour traiter le syndrome génito-urinaire de la ménopause chez des femmes survivantes d’un cancer du sein. La prochaine étape consistera à mener un essai clinique contrôlé randomisé de phase 2 afin de comparer l’injection de PRP à un placebo pour traiter le syndrome génito-urinaire de la ménopause chez les survivantes du cancer du sein et d’évaluer plus en détail son efficacité.
Contrairement aux autres signes climatériques, tels que les bouffées de chaleur ou la transpiration, qui tendent à s’atténuer avec le temps, le syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGUM) s’aggrave au fil des années post-ménopausiques. Son traitement vise à soulager un ensemble de symptômes liés à la chute des œstrogènes, une situation qui concerne entre 25 et 50 % des femmes ménopausées selon les années de ménopause qu’elles ont vécu. Le Collège national des gynécologues-obstétriciens recommande l’œstrogénothérapie locale, sous forme d’ovules, de crème ou d’anneau à libération prolongée. « Ce traitement, plus efficace sur le SGUM en particulier que le traitement hormonal systémique (THM), peut être associé à ce dernier sans risque particulier », indiquait la Dre Sandrine Campagne-Loiseau (CHU Estaing, Clermont-Ferrand) lors du congrès de la Société française d’urologie (novembre 2024, Paris). Quant aux contre-indications, « les études disponibles se montrent rassurantes vis-à-vis du risque de cancer de l’endomètre, indiquait la chirurgienne gynécologue. Chez les patientes ayant des antécédents de cancer du sein, aucune donnée alarmante n’a été rapportée, mais l’usage des œstrogènes locaux doit être envisagé en deuxième intention, après l’échec des traitements non hormonaux, en premier lieu les applications d’acide hyaluronique, une solution disponible en France. »
A noter : Le plasma riche en plaquettes est utilisé depuis des années, principalement en orthopédie ; toutefois, le niveau de preuve clinique reste hétérogène et insuffisant pour recommander son emploi de façon généralisée. La Haute Autorité de Santé estime en effet que les données actuelles ne permettent pas d’émettre des recommandations larges en faveur du PRP. Les protocoles avec du PRP ne sont d’ailleurs pas remboursés.

Source : Inca : Panorama des cancers en France 2025, édition spéciale 20 ans Mis à jour le 07 juillet 2025 ; ChenAnita H, Trabuco Emanuel C, Chumsri Saranya et al. Platelet-Rich Plasma for Genitourinary Syndrome of Menopause in Breast Cancer Survivors. Obstetrics & Gynecology 146(5):p 728-736, November 2025 ; Suivi du congrès de la Société française d’urologie (novembre 2024, Paris)

Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet