Fin de vie : « ce que soigner veut dire »
28 juin 2023
L’aide active à mourir, regroupant l’euthanasie et le suicide assisté, nourrit les débats depuis plusieurs mois en France. Un projet de loi devrait être présenté d'ici à fin septembre 2023. Un contenu en discussion qui interroge des notions aussi importantes que l’accompagnement de la fin de vie ou encore le rôle des soignants lorsque la guérison n’est plus possible.
La nouvelle loi sur l’aide active à mourir sera débattue à la rentrée 2023. Avant cela, nombreuses sont les prises de position tant du côté des professionnels de santé que des citoyens. En effet plusieurs questions sensibles se posent : la loi doit-elle être modifiée ? Comment la sécurité des patients serait-elle assurée si l’aide active à mourir était votée ? Comment s’assurer que le choix de la fin de vie ne réponde pas à une situation d’abus par les proches ? Comment la capacité mentale des patients demandant une aide active à mourir peut-elle être bien évaluée par les médecins ?
Des sujets placés au cœur du débat lors des Assises nationales sur la fin de vie organisées ce 28 juin* par l’association pour le droit de mourir dans la dignité.
Que dit la loi actuelle ?
Depuis le 2 février 2016, la loi donne accès à la sédation profonde et continue, quand la souffrance reste réfractaire aux traitements, qu’elle devient insupportable et que le décès est déclaré comme inévitable et imminent. Le patient peut alors être accompagné, jusqu’à son dernier souffle, dans la prise en charge de sa douleur grâce à l’administration d’un analgésique et d’un sédatif, en mettant fin à tout maintien artificiel de la vie (traitement, hydratation, alimentation…). Dans ce cas, le patient décède naturellement et accompagné.
Quelles différences avec l’aide active à mourir, l’euthanasie ou le suicide assisté ? Dans le premier cas, l’euthanasie, il s’agit du droit conféré aux médecins d’administrer un produit létal pour provoquer le décès, toujours dans ces mêmes conditions de décès imminent et de douleur insupportable et résistante à la médication. La condition : le patient, sa personne de confiance ou ses proches si son degré de conscience ne lui permet pas d’en faire la demande, exprime le souhait de voir abréger ses souffrances et d’arrêter de vivre. Dans le second cas, le suicide assisté, le patient s’injecte lui-même le produit létal.
« Donner la mort n’est pas un soin »
Pour de nombreux soignants, aller au-devant de la mort n’entre pas dans la mission de soins pour laquelle ils ont prêté serment. « Pour ces derniers, il existe une rupture majeure dans ce que soigner veut dire », témoigne le Dr Claire Fourcade, présidente de la Société Française d’Accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), elle-même médecin en soins palliatifs à Narbonne. « Certains soignants se projettent dans une position très inconfortable concernant l’euthanasie, celle de voir leur rôle modifié. Pour ces derniers, donner la mort n’est pas un soin. »
Et concernant le suicide assisté ? « Il y a un peu moins de réticence sur ce point s’il est effectué hors cadre du soin, dans le cas où la personne elle-même ou un intervenant non médical se chargerait de cet acte. Mais certains médecins craignent tout de même de devoir dire au revoir à leurs patients sans pouvoir aller au bout du suivi, sans pouvoir les accompagner jusqu’à la fin comme c’est le cas actuellement. » D’ailleurs, « quand on interroge un panel de soignants concernant une possible évolution de la loi, les deux mots qui ressortent sont l’inquiétude et la prudence », précise le Dr Claire Fourcade, en référence au sondage réalisé auprès des soignants présents lors du dernier congrès de la SFAP (organisé à Nantes du 14 au 16 juin 2023).
Et dans la population générale, la question de la fin de vie est source de débats souvent houleux. Certains citoyens voudraient pouvoir en finir quand ils le souhaitent s’ils se savent un jour condamnés. Pour d’autres, cette aide active à mourir serait une insulte totale à la vie. « Mais progressivement, depuis que la discussion s’ouvre sur ce sujet, les positions sont de moins en moins binaires », décrit le Dr Claire Fourcade. « Il semble que la confusion entre arrêt des traitement et euthanasie diminue, que la dignité du patient est interprétée de façon plus nuancée. »
Mieux former les soignants aux soins palliatifs
Au-delà du possible vote de l’aide active à mourir, « sur le sujet de la fin de vie, il nous semble tout aussi important de donner accès à tous aux soins palliatifs, avec suffisamment de lits et de personnels qualifiés pour accompagner la douleur, s’occuper du patient dans sa globalité, rester à son écoute, jusqu’au décès », déclare Claire Fourcade. A ce sujet, l’un des leviers est d’agir à la racine du problème : la formation des médecins. « Il me semble très important d’intégrer des modules de formation à la relation en fin de vie pour tous les médecins de demain », observe le Dr Claire Fourcade.
* en présence d’Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé auprès du ministre de la Santé et de la Prévention
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Source : Congrès national des soins palliatifs, organisé à Nantes du 14 au 16 juin 2023 – Interview du Dr Claire Fourcade, présidente de la Société Française d’Accompagnement et de soins palliatifs, le 15 juin 2023
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet