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Le foie est le deuxième organe le plus transplanté en France après le rein : chaque année, plus de 1 300 greffes sont réalisées. Elles permettent de traiter des patients atteints de cirrhose terminale (insuffisance hépatique terminale ou complications graves) ainsi que certaines affections malignes du foie, notamment certains cancers (hépatocarcinomes de petite taille), avec une espérance de survie à cinq ans dépassant 70 % et 60 %, respectivement.
Contrairement au rein, aucun dispositif artificiel ou naturel ne peut remplacer celles du foie. Chaque transplantation hépatique est donc vitale. Pourtant, le nombre de patients en attente reste 2,4 fois supérieur à celui des greffons disponibles.
Et cela ne va pas aller en s’améliorant : la progression de la “maladie du foie gras” (NASH, pour stéatohépatite non alcoolique) entraîne une augmentation du nombre de patients en attente de transplantation (cirrhose, cancer). Cette pathologie résulte d’une accumulation excessive de graisse dans le foie, favorisée par une alimentation déséquilibrée et la sédentarité. Elle toucherait entre 25 % et 30 % de la population. Au point que les spécialistes sont formels : elle deviendra bientôt la première cause de greffe hépatique.
Les donneurs décédés par arrêt cardio-circulatoire (l’arrêt cardiaque entraîne automatiquement un arrêt de la circulation sanguine) sont classés en quatre catégories en fonction des circonstances de l’arrêt cardiaque (classification dite de Maastricht). En France, la catégorie 3 est la plus utilisée : elle concerne les patients chez lesquels l’arrêt cardiaque est contrôlé et le décès circulatoire attendu après « limitation des traitements actifs ».
Pour réduire un risque important dans ces circonstances (celui de cholangite ischémique du greffon), le protocole établi par l’Agence de la Biomédecine prévoit l’utilisation d’une « circulation normothermique régionale oxygénée » après l’arrêt cardiaque. Cela consiste à rétablir temporairement une circulation sanguine oxygénée dans la région abdominale du donneur après l’arrêt cardiaque, (tout en excluant la circulation cérébrale pour respecter le critère du décès).
En favorisant une meilleure perfusion et oxygénation des organes, on améliore ainsi la qualité des greffons et les résultats post-transplantation. Et en effet, entre 2018 et 2023, 687 transplantations hépatiques ont été réalisées en France à partir de donneurs de type Maastricht 3, avec un taux de survie de 94,2 % à un an et de 88,1 % à trois ans.
Jusqu’au début des années 2010, la complexité technique et hémodynamique de la transplantation hépatique freinait le développement des approches mini-invasives, et notamment par robot assisté. En mai 2023, une équipe de la faculté de médecine de l’université de Washington à Saint-Louis (États-Unis), a réalisé la première transplantation robotique d’un foie entier à partir d’un donneur décédé. Une série de transplantations hépatiques robotiques utilisant des greffons complets issus de donneurs décédés vient d’être réalisée par l’équipe d’Hugo Pinto Marques, chef de l’unité de chirurgie hépatobiliaire/pancréatique et de la transplantation hépatique à l’hôpital Universitaire de Lisbonne. Les avantages sont nombreux : incision plus réduite, manipulation plus douce des tissus, meilleure visualisation, précision accrue des anastomoses (connexions) vasculaires et biliaires, ainsi qu’une diminution de la douleur postopératoire. Ces premiers cas démontrent la faisabilité d’une chirurgie mini-invasive en transplantation hépatique, même si une meilleure sélection des patients et des améliorations techniques sont nécessaires.
Le fossé grandissant entre l’offre et la demande s’explique principalement par la dégradation de la qualité des greffons et les limites des techniques actuelles de préservation. La « perfusion hépatique prolongée » est une technique récente qui laisse un temps suffisant pour évaluer la qualité des greffons, atténue les effets délétères de l’ischémie-reperfusion (privation d’oxygène et de nutriments en raison d’une interruption du flux sanguin puis réoxygénation lors du rétablissement de la circulation sanguine) et permet un traitement ex situ (hors du corps humain) visant à restaurer des greffons qui étaient initialement non transplantables. Cette technologie ouvre des perspectives prometteuses pour répondre à la pénurie d’organes.
Dans des études précliniques, elle a permis de récupérer plus de la moitié des greffons sévèrement endommagés. Son efficacité a été démontrée avec la première transplantation humaine réalisée après trois jours de conservation d’un greffon rejeté par tous les centres.
Cette approche représente une avancée majeure pour la récupération d’organes initialement jugés non utilisables. Les prochaines étapes incluent la validation de la perfusion prolongée dans un essai clinique américain de grande envergure (en cours).
Trois approches sont actuellement explorées pour la “bioconstruction” du foie, dont l’issue semble cependant assez lointaine :
Source : séance du 26 février 2025 de l’Académie nationale de chirurgie et conférence de presse ; Agence de Biomédecine
Ecrit par : Hélène Joubert - Édité par Emmanuel Ducreuzet