Greffe de foie : nouveaux malades, nouveaux donneurs et nouvelles techniques

24 mars 2025

La transplantation hépatique, ou greffe de foie, permet de traiter des patients atteints de cirrhose terminale ainsi que certains cancers. Entre l'augmentation du nombre de patients sur liste d’attente, l'évolution du profil des donneurs et les progrès techniques, le paysage de la transplantation hépatique se transforme.

Le foie est le deuxième organe le plus transplanté en France après le rein : chaque année, plus de 1 300 greffes sont réalisées. Elles permettent de traiter des patients atteints de cirrhose terminale (insuffisance hépatique terminale ou complications graves) ainsi que certaines affections malignes du foie, notamment certains cancers (hépatocarcinomes de petite taille), avec une espérance de survie à cinq ans dépassant 70 % et 60 %, respectivement.

Contrairement au rein, aucun dispositif artificiel ou naturel ne peut remplacer celles du foie. Chaque transplantation hépatique est donc vitale. Pourtant, le nombre de patients en attente reste 2,4 fois supérieur à celui des greffons disponibles.

De plus en plus de malades, avec des pathologies différentes

Et cela ne va pas aller en s’améliorant : la progression de la “maladie du foie gras” (NASH, pour stéatohépatite non alcoolique) entraîne une augmentation du nombre de patients en attente de transplantation (cirrhose, cancer). Cette pathologie résulte d’une accumulation excessive de graisse dans le foie, favorisée par une alimentation déséquilibrée et la sédentarité. Elle toucherait entre 25 % et 30 % de la population. Au point que les spécialistes sont formels : elle deviendra bientôt la première cause de greffe hépatique.

Nouveaux donneurs : le donneur à cœur arrêté 

Les donneurs décédés par arrêt cardio-circulatoire (l’arrêt cardiaque entraîne automatiquement un arrêt de la circulation sanguine) sont classés en quatre catégories en fonction des circonstances de l’arrêt cardiaque (classification dite de Maastricht). En France, la catégorie 3 est la plus utilisée : elle concerne les patients chez lesquels l’arrêt cardiaque est contrôlé et le décès circulatoire attendu après « limitation des traitements actifs ».

Pour réduire un risque important dans ces circonstances (celui de cholangite ischémique du greffon), le protocole établi par l’Agence de la Biomédecine prévoit l’utilisation d’une « circulation normothermique régionale oxygénée » après l’arrêt cardiaque. Cela consiste à rétablir temporairement une circulation sanguine oxygénée dans la région abdominale du donneur après l’arrêt cardiaque, (tout en excluant la circulation cérébrale pour respecter le critère du décès).

En favorisant une meilleure perfusion et oxygénation des organes, on améliore ainsi la qualité des greffons et les résultats post-transplantation. Et en effet, entre 2018 et 2023, 687 transplantations hépatiques ont été réalisées en France à partir de donneurs de type Maastricht 3, avec un taux de survie de 94,2 % à un an et de 88,1 % à trois ans.

Transplantation hépatique, les promesses du robot

Jusqu’au début des années 2010, la complexité technique et hémodynamique de la transplantation hépatique freinait le développement des approches mini-invasives, et notamment par robot assisté. En mai 2023, une équipe de la faculté de médecine de l’université de Washington à Saint-Louis (États-Unis), a réalisé la première transplantation robotique d’un foie entier à partir d’un donneur décédé. Une série de transplantations hépatiques robotiques utilisant des greffons complets issus de donneurs décédés vient d’être réalisée par l’équipe d’Hugo Pinto Marques, chef de l’unité de chirurgie hépatobiliaire/pancréatique et de la transplantation hépatique à l’hôpital Universitaire de Lisbonne. Les avantages sont nombreux : incision plus réduite, manipulation plus douce des tissus, meilleure visualisation, précision accrue des anastomoses (connexions) vasculaires et biliaires, ainsi qu’une diminution de la douleur postopératoire. Ces premiers cas démontrent la faisabilité d’une chirurgie mini-invasive en transplantation hépatique, même si une meilleure sélection des patients et des améliorations techniques sont nécessaires. 

Pour une meilleure conservation des greffons hépatiques

Le fossé grandissant entre l’offre et la demande s’explique principalement par la dégradation de la qualité des greffons et les limites des techniques actuelles de préservation. La « perfusion hépatique prolongée » est une technique récente qui laisse un temps suffisant pour évaluer la qualité des greffons, atténue les effets délétères de l’ischémie-reperfusion (privation d’oxygène et de nutriments en raison d’une interruption du flux sanguin puis réoxygénation lors du rétablissement de la circulation sanguine) et permet un traitement ex situ (hors du corps humain) visant à restaurer des greffons qui étaient initialement non transplantables. Cette technologie ouvre des perspectives prometteuses pour répondre à la pénurie d’organes.

Dans des études précliniques, elle a permis de récupérer plus de la moitié des greffons sévèrement endommagés. Son efficacité a été démontrée avec la première transplantation humaine réalisée après trois jours de conservation d’un greffon rejeté par tous les centres.

Cette approche représente une avancée majeure pour la récupération d’organes initialement jugés non utilisables. Les prochaines étapes incluent la validation de la perfusion prolongée dans un essai clinique américain de grande envergure (en cours).

Construire des greffons de foie en laboratoire ?

Trois approches sont actuellement explorées pour la “bioconstruction” du foie, dont l’issue semble cependant assez lointaine :

  • Décellularisation et recellularisation : ce procédé consiste à éliminer les cellules d’un foie prélevé pour ne conserver que son squelette vasculaire. Celui-ci est ensuite recolonisé par perfusion de cellules, potentiellement d’origine dite xénogénique (les cellules utilisées proviennent d’une espèce différente de celle du receveur, d’où des problématiques liées au système immunitaire et éthiques). Chez la souris, cette technique permet d’obtenir un foie d’aspect normal, fonctionnel et transplantable. En revanche, elle n’a pas encore abouti chez les gros animaux.
  • Organoïdes hépatiques à partir de cellules souches : cette approche vise à créer des structures constituées de nombreuses cellules reproduisant les fonctions du foie, sans pour autant en reproduire la forme anatomique. Implantés dans la cavité péritonéale (l’espace situé à l’intérieur de l’abdomen, entre les deux feuillets du péritoine, la membrane qui enveloppe et protège les organes abdominaux), ces organoïdes ont démontré leur capacité à prolonger la survie de souris atteintes d’insuffisance hépatique aiguë. Chez l’homme, ils pourraient être utilisés pour gérer des phases aiguës d’hépatite fulminante ou d’insuffisance hépatique aiguë au cours d’une maladie chronique. Aucun essai clinique n’est en cours.
  • Bio-impression 3D. Actuellement, la seule structure tissulaire construite par cette méthode est la peau. La bio-impression d’organes complexes, comme le foie, reste un objectif lointain en raison des défis liés à la vascularisation et à l’organisation cellulaire.
  • Source : séance du 26 février 2025 de l’Académie nationale de chirurgie et conférence de presse ; Agence de Biomédecine

  • Ecrit par : Hélène Joubert - Édité par Emmanuel Ducreuzet

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