Greffe d’organes : zoom sur la reprise d’activité

23 avril 2020

Depuis le début du confinement, l’activité de greffe d’organes est maintenue, mais fortement ralentie par l’épidémie. Quand et comment reprendre un rythme normal en toute sécurité ? Les précisions du Pr Olivier Bastien, directeur des prélèvements et des greffes, d’organes et de tissus à l’Agence de la biomédecine.

Depuis le début de l’épidémie, l’activité de greffe d’organes a été ralentie. Plusieurs facteurs expliquent cette situation : « la saturation des services de réanimation : moins de prélèvements étaient donc possibles », explique le Pr Olivier Bastien, directeur des prélèvements et des greffes, d’organes et de tissus à l’Agence de la biomédecine. Autres causes, « l’arrêt des greffes rénales issues de donneurs vivants ou décédés », le fait que « les patients ne peuvent être greffés s’ils sont porteurs du Covid-19 ». 

Enfin, « les conditions de mortalité sont différentes avec l’épidémie : les gens n’ont pas forcément appelé les urgences, les accidents en traumatologie ont été moins nombreux ». Et la pénurie d’organes s’est accentuée. « Sur les mois de mars et avril, les organes disponibles ont diminué de 50% », souligne le Pr Bastien. 

Un bilan complet à la fin de l’épidémie

A ce jour, il est trop tôt pour évaluer les pertes de chance liées à cette baisse de l’activité. Mais « tous les patients les plus urgents ont pu être greffés », confirme le Pr Bastien. Deux décès de patients dits super-urgents sont survenus faute de greffe sur la période. « Cela survient aussi hors contexte épidémique. » 

Mais à quel point les patients greffés présentent-ils un sur-risque de contamination ? « Ce sur-risque existe sur le plan théorique à cause du traitement antirejet*. Mais il n’est pas aussi important que ce qu’on aurait pu imaginer », atteste le Pr Bastien. « D’une part parce que le confinement est bien respecté, et d’autre part parce que les patients ont été suivis en téléconsultation pour limiter le risque de contamination. »

Dans la population des greffés rénaux ou souffrant d’insuffisance rénale chronique, 1 678 cas** de Covid-19 ont été diagnostiqués. « A ce jour, 48 décès chez les patients transplantés rénaux et 209 décès chez les patients dialysés dont la cause est liée au SRAS-Cov2 ont été déclarés. »  

Mais globalement, « nous manquons de recul pour évaluer le taux d’infection des patients anciennement greffés par le Covid-19. Beaucoup de patients sont encore en réanimation, les statistiques sont en cours. Il faudra attendre la fin de l’épidémie pour faire le bilan complet du nombre de décès de patients greffés ou en attente de greffe », tous organes confondus.

Une reprise de l’activité en fonction des régions ?

Actuellement, « nous travaillons sur le plan de reprise ». Pour ce faire, « il va falloir récupérer une capacité de soins en réanimation ». 

Et composer avec les aléas. Dans les semaines à venir, et en fonction de la levée progressive du confinement, une seconde vague de Covid-19 est possible. Une activité en flux tendu dans les services de réanimation doit être anticipée. Or la reprise des prélèvements et des transplantations dépend crucialement de la disponibilité des lits dans les services de réanimation. « Si l’on arrive à redémarrer l’ensemble des greffes, il faudra donc s’assurer des capacités en réanimation, mais aussi de l’ensemble des filières (soins de suite de réhabilitation, accompagnement du retour au travail). » 

Cette situation laisse entendre que « la difficulté à réorganiser l’ensemble du circuit a peut-être été sous-estimée ». La greffe d’organe est en effet une chaîne complexe. « Ce n’est pas parce qu’on a un bloc opératoire et un chirurgien qu’on peut faire une greffe. » 

Autre imprévu lié à la reprise, le taux de donneurs. « Nous ne sommes pas à l’abri de modifications de comportement des donneurs. Un paramètre sur lequel « on ne peut pas agir, on peut simplement inciter » au don d’organes.

Une chose sur laquelle l’Agence de la biomédecine peut agir : « la reprise des greffes rénales ». Mais la date n’est pas encore fixée. « C’est quelque chose qui est en train d’être décidé avec les associations de patients et les sociétés savantes. Cette date sera probablement modulée en fonction des régions, de la capacité de chacune à organiser un circuit de prise en charge sans Covid-19. »

A noter : « depuis début avril, 86 greffes ont pu être réalisées : 19 greffes de cœur, 4 de poumons, 57 de foie et 6 greffes de rein. »

*traitements immunosuppresseurs prescrits pour favoriser la réussite de greffe, ayant comme effet de diminuer l’efficacité du système immunitaire

**380 patients transplantés rénaux et 1 298 patients dialysés

  • Source : Interview du Pr Olivier Bastien, directeur des prélèvements et des greffes, d’organes et de tissus à l’Agence de la biomédecine. Communiqué de l’Agence de la biomédecine, le 21 avril

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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