Grossesse : n’oublions pas la tête
16 juin 2011
La grossesse et l’accouchement sont-ils trop médicalisés en France ? Pour le Pr Olivier Dupuis, responsable de la maternité du centre hospitalier Lyon-Sud, le débat est ailleurs. « Les femmes veulent surtout que leur accouchement soit le moins anxiogène possible » affirme-t-il. Et il admet volontiers qu’aujourd’hui, toutes les conditions ne semblent pas réunies pour cela dans nos maternités…
Concentrés sur les aspects « techniques » de l’accouchement, les professionnels de santé en oublieraient-ils l’approche psychologique ? Le Pr Dupuis qui vient d’organiser la première conférence internationale sur la Sécurité et la Qualité en obstétrique, à Lyon, en est convaincu.
Certes la grossesse est généralement vécue comme un moment de plénitude. Cependant, « nous ne devons pas oublier qu’elle est également source d’angoisse pour bien des femmes ». Trois raisons principales à cela :
– « Obstétricien, anesthésiste, sage-femme et médecin généraliste, la multiplicité des intervenants qui n’auront pas forcément le même discours peut faire naître une angoisse », souligne-t-il. A tel point que la future maman peut se sentir « un peu perdue » au milieu d’informations diverses voire pour certaines, contradictoires;
– La grossesse correspond aussi à « un changement impressionnant du corps et à un plongeon dans l’inconnu pour toutes les femmes en attente de leur premier enfant » ;
– Elle peut également « faire remonter des tas de choses par rapport à l’enfance et aux relations avec les parents. Encore faut-il savoir les gérer… »
L’accouchement à domicile ou la roulette russe
Olivier Dupuis regrette ainsi que « l’approche psychologique de la grossesse et de l’accouchement soit totalement occultée en France. Il manque un lieu d’écoute dédié à ces femmes en détresse, ou qui se posent simplement des questions importantes sur elles-mêmes, leur devenir, celui de leur enfant… ».
Est-ce pour ces raisons que de plus en plus de femmes se tourneraient vers l’accouchement à domicile ? « Il ne s’agit pas d’une vraie tendance », corrige le Pr Dupuis. L’accouchement à domicile comme le recours aux doulas restent marginaux dans notre pays. En revanche, si des femmes préfèrent accoucher dans leur environnement c’est justement parce qu’elles s’y sentent plus en sécurité que dans les établissements de soins. Les professionnels de santé doivent vraiment s’interroger sur ce point ».
Quant à la question de savoir s’il est possible d’accoucher à domicile et en sécurité, la réponse du Pr Dupuis est cinglante : « c’est comme de jouer à la roulette russe. Cela peut très bien se passer… ou se transformer en drame si l’accouchement est compliqué ou nécessite une prise en charge d’urgence »…