« La guérison ». C’est ce que promettent les guérisseurs traditionnels en Afrique subsaharienne aux diabétiques. Or bien sûr, c’est impossible. Par définition, une maladie chronique ne se guérit pas… Le succès de ces pratiques constitue un frein énorme au travail des professionnels de santé.
Potions et remèdes à base d’aloe vera ou de feuilles de mangue. Les méthodes employées par les tradi-praticiens semblent parfois inoffensives. Pourtant, chez les patients diabétiques comme dans le cas d’autres maladies chroniques, les conséquences sont catastrophiques. « Non équilibrés, les diabétiques de type 2, se croyant guéris, ne prennent pas le traitement nécessaire », souligne le Pr Saïd Norou Diop, diabétologue à Dakar (Sénégal). « Leur organisme s’habituant à des niveaux glycémiques élevés, ils ne ressentent pas de symptômes. Résultats, des mois ou des années plus tard, ils se retrouvent avec des complications graves, pouvant mener au décès. »
Des amputations évitables
« Près de 90% des Africains ont déjà consulté un tradi-praticien », poursuit-il. Souvent, d’après le guérisseur, « le diabète est le résultat d’un mauvais sort jeté sur la famille du malade, à qui il promet la guérison, après l’avoir conjuré ». Pendant ce temps, le patient ne consulte pas de médecin et son état se dégrade. Parmi les complications du diabète, la neuropathie des membres inférieurs est particulièrement répandue sur le continent.
« Parfois, avant même d’avoir été diagnostiqué diabétique, le malade, ressent des picotements au niveau du pied », explique le Pr Eugène Sobngwi de Yaoundé (Cameroun). « Son réflexe ? Se rendre auprès de son guérisseur qui réalise… des scarifications ! » La conséquence est alors dramatique puisque, sans prise en charge médicale rapide, l’infection est rapidement suivie de la gangrène. L’amputation devient inévitable. « En Afrique, le diabète est la première cause d’amputation non traumatique du membre inférieur », souligne-t-il. Cette situation montre l’importance et la gravité du retard de diagnostic sur le continent. Près des trois quart des diabétiques ignorent qu’ils sont malades.
Voici un cas concret rapporté par une sage-femme gabonaise. Une de ses patientes aurait perdu la vie si elle avait suivi les conseils de son guérisseur…
Eduquer les professionnels de santé
Mais les patients connaissant leur maladie ne sont pas à l’abri de ces complications. Outre les promesses de guérison, certains tradi-praticiens leur transmettent des informations erronées. « Nombreux sont ceux qui pensent qu’au cours de l’amputation, la maladie part avec le pied. Les laissant guéris… » Logiquement, certains récidivent, nécessitant une seconde amputation.
Pour le Pr Diop, « nombre de guérisseurs sont des charlatans qui cherchent à gagner beaucoup d’argent ». Mais certains acceptent de collaborer avec les médecins pratiquant une discipline plus occidentale. « C’est un des moyens pour atteindre davantage de patients puisque les Africains sont si nombreux à consulter ces guérisseurs. » Informer, dépister et diagnostiquer. C’est le combat que mènent les quelques spécialistes du diabète dans les pays d’Afrique subsaharienne. « Nous éduquons un maximum de professionnels de santé sur le terrain et parfois des notables des villages pour que le message passe auprès des populations », ajoute-t-il. Un travail loin encore d’être terminé.
Source : de notre envoyée spéciale au Symposium international de Libreville sur le Diabète en Afrique, 6 et 7 juin 2014
Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet
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