Homoparentalité, AMP : l’Académie de médecine auditionnée

18 décembre 2012

Après des sociologues, des juristes, des représentants de familles et ceux des différents cultes, après l’Association des maires de France ou encore des anthropologues, place aux Académiciens. Le 13 décembre dernier, des membres de l’Académie nationale de médecine ont en effet été entendus par la commission des lois de l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen du projet de Loi relatif au « mariage pour tous » – et donc à l’homoparentalité. Au programme de la rencontre, l’épineux sujet de l’aide médicale à la procréation (AMP).

Depuis le 8 novembre la Commission des lois, sous l’égide du rapporteur Erwann Binet, (député PS de l’Isère) auditionne les corps intermédiaires. Objectif, éclairer les députés en les informant des positions de leurs interlocuteurs, avant que le projet ne vienne devant l’Assemblée nationale, le 29 janvier 2013. C’est ainsi que le jeudi 13 décembre, la commission a auditionné des académiciens.

Le Pr Pierre Jouannet, ancien directeur du Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain de l’hôpital Cochin (APHP) a été mandaté par l’Académie pour intervenir sur l’AMP auprès de la commission des lois. « J’ai été envoyé pour donner un avis de spécialiste » tient-il à préciser. « Je ne me suis donc pas exprimé au nom de l’Académie, qui communiquera le moment venu ».

L’AMP dans le monde et en France

En introduction, il a tenu à rappeler que « si l’AMP pour les couples de même sexe est autorisée légalement dans un certain nombre de pays (Afrique du Sud, Argentine, Belgique, Canada, Espagne, Grande-Bretagne, Islande, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suède…), il est très difficile de savoir quelle est la pratique médicale effective dans ce domaine ».

En France les couples lesbiens n’ont pas accès à l’AMP. Pourtant, « selon une étude réalisée en 2007 auprès des adhérents de l’Association des Parents Gays et Lesbiens (APGL), près de 40% des enfants vivant avec des parents homosexuels avaient été conçus par AMP »… Il n’y a pas de mystère : les femmes qui, dans ces circonstances, souhaitent enfanter, s’adressent « à des centres d’AMP dans des pays limitrophes, principalement l’Espagne et la Belgique. De 2005 à 2007, sur 6 089 femmes résidant hors de Belgique et (y) ayant bénéficié d’une AMP, 2 288 étaient des Françaises ».

L’AMP : quelles conséquences pour l’enfant ?

Autre point sensible abordé avec les membres de la commission des lois, le développement psychologique de l’enfant issu d’une AMP. S’il reconnait le manque de travaux réalisés sur le sujet, le Pr Jouannet explique que les études existantes« sont concordantes. Elles n’ont pas relevé de perturbations notables chez les enfants. Elles ont souligné que leur bien-être dépendait plus de la manière dont leurs mères assumaient leur rôle de parent, que de la structure familiale ».

Des questions… sans réponses

Pour conclure, Pierre Jouannet a précisé que « si l’accès des couples lesbiens à l’AMP était autorisé en France, l’activité des centres autorisés connaitrait naturellement une forte croissance. Ceci impliquerait qu’ils disposent de moyens suffisants pour accueillir et accompagner ces femmes, notamment sur le plan psychologique. Et ceci, autant pendant l’AMP elle-même qu’à la naissance de l’enfant ».

Il demande en outre que certaines modalités financières soient précisées. «L’AMP est actuellement prise en charge à 100 % par les caisses d’Assurance-maladie, comme tous les traitements de la stérilité. Or l’homosexualité n’est pas une pathologie. Les femmes concernées ne sont pas toujours stériles. Dans ce cas, quelle prise en charge (pourrait-elle être envisagée) par les caisses d’Assurance-maladie ? » Ces questions nécessiteront « une évaluation complète de cet accès par les couples homosexuels à l’AMP ».

Rappelons que le projet de loi devrait-être présenté à l’Assemblée nationale le 29 janvier 2013. L’AMP pourrait faire l’objet d’un amendement des députés PS. Sur cette question, le Président de la République a annoncé sa volonté de « laisser le Parlement souverain »…

  • Source : Interview du Pr Pierre Jouannet, 13 décembre 2012

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