Hypercholestérolémie familiale, et si vous étiez concernés ?

08 décembre 2023

L'hypercholestérolémie familiale est la maladie génétique héréditaire la plus fréquente en France. Trop rarement dépistée, elle évolue en silence alors qu’elle augmente considérablement le risque d’accident cardiovasculaire dès le plus jeune âge. L’association qui la représente, ANHET.f, l’ensemble des experts scientifiques et Alliance maladies rares plaident pour un dépistage systématique chez les enfants de 2 ans.

L’hypercholestérolémie familiale (HF) est une maladie caractérisée par une élévation insidieuse du « mauvais » cholestérol – le LDL-cholestérol – dès la naissance, et même dans le ventre de la maman. Dans ce cas, l’excès de cholestérol ne résulte pas du tout d’une mauvaise hygiène de vie ou d’une mauvaise alimentation : son origine est génétique. Elle se transmet de génération en génération et touche 1 Français sur 250, ce qui en fait la plus fréquente des maladies génétiques.

Des artères vieillies prématurément

Les taux anormalement élevés de LDL-cholestérol sont liés à sa mauvaise élimination dans la circulation sanguine. Il s’accumule alors au niveau des artères, ce qui favorise dès l’enfance la progression de l’athérosclérose à l’origine de complications cardiovasculaires souvent précoces : avant 20 ans chez les patients homozygotes (qui ont deux copies de gène muté, 1 provenant de chaque parent). C’est la forme rare qui touche 1 français sur 300 000. Et avant 50-60 ans chez les patients hétérozygotes, qui n’ont qu’une copie du gène muté.

En l’absence de traitement, l’état des artères des patients atteints par cette maladie à l’âge de 40 ans serait équivalent à celui de personnes âgées de 80 ans.

250 000 personnes non dépistées… 

Alors que 90 % des adultes ne sont pas dépistés (et 95 % des enfants), aucun dépistage systématique n’est organisé et la Haute Autorité de santé ne l’envisage pas. Mais elle va peut-être revoir sa copie, espère Lionel Ribes, président de l’Association nationale des hypercholestérolémies familiales et Lipoprotéines (ANHET.f) grâce au plaidoyer commun sous forme d’un livre blanc, qui vient d’être rédigé par l’association de patients et d’éminents experts cardiologues et endocrinologues.

« Actuellement, le dépistage des apparentés se produit souvent après qu’un parent a subi un accident cardiovasculaire à un âge anormalement précoce (« diagnostic en cascade »), relate-t-il. Cependant, dans la plupart des cas, cela se fait de manière aléatoire. Malheureusement, il arrive que le cardiologue ne pense pas à la maladie, et ne dépiste donc pas la famille. » Ce dépistage est donc largement insuffisant et l’on pourrait prendre exemple sur certains pays. La Slovénie a dépisté 91 % des porteurs d’HF en 28 ans en mettant en place un dépistage précoce et universel à l’âge de 5 ans.

Dépister tous les enfants à l’âge de 2 ans

On dépiste bien la mucoviscidose, alors pourquoi pas l’hypercholestérolémie familiale ?  D’autant que la prévalence de cette dernière est quarante fois plus importante (de l’ordre de 6 000 personnes en France, contre environ 250 000 malades d’HF)

« Les experts préconisent le dépistage de tous les enfants, à l’âge de 2 ans, explique Lionel Ribes, par un simple dosage de cholestérol sanguin (bilan lipidique). La visite médicale obligatoire des deux ans, conduite par un pédiatre ou un médecin généraliste, serait le cadre propice pour proposer aux familles, et non imposer, ce protocole simple, peu invasif (prélèvement par goutte de sang) et d’un coût modeste estimé à 11,31 € par enfant dépisté. » Si les résultats indiquent un taux élevé de cholestérol, l’enfant sera orienté vers un centre expert. Un dépistage en cascade inversée sera mis en place, débutant par les enfants pour remonter vers les parents et les grands-parents.

8 ans de vie en plus pour chaque enfant dépisté et traité

Alors que dépister l’hypercholestérolémie familiale à un âge précoce est simple, peu coûteux et que les traitements de la maladie tant pour la forme fréquente que rare, dès le jeune âge, sont efficaces (statines, voire ézétimibe ou inhibiteurs de PCSK9 ou encore LDL-aphérèse, une sorte de dialyse pour extraire le cholestérol en excès du sang), 250 000 personnes dont 50 000 enfants ne sont toujours ni dépistés, ni traités en France et courent, de fait, le risque d’un décès précoce et brutal faute d’être dépistés dès le plus jeune âge.

Selon une nouvelle étude médico-économique à partir des publications disponibles, chaque enfant dépisté et traité gagnerait environ 8 années de vie. Aujourd’hui, le rapport favorable coût-efficacité du dépistage universel précoce est démontré. Pour Lionel Ribes, « ça n’est donc pas une question de coût mais de motivation des pouvoirs publics. » Une conférence à l’Assemblée nationale en début d’année 2024 devrait faire bouger les lignes.

Pour en savoir plus :

Association Nationale des Hypercholestérolémies familiales et Lipoprotéines

  • Source : Livre blanc 2023/2024. Hypercholestérolémie familiale : dépister pour sauver des milliers de vies - Ademi Z, et al. Health economic evaluation of screening and treating children with familial - hypercholesterolemia early in life: Many happy returns on investment? Atherosclerosis. 2020 Jul;304:1-8.

  • Ecrit par : Hélène Joubert ; Edité par Emmanuel Ducreuzet

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