Ibuprofène et paracétamol : l’usage régulier abîme l’audition?

16 janvier 2017

Dans l’opinion publique, les médicaments délivrés sans ordonnance ne comportent pas de risque. En effet, pourquoi vendre des molécules sans avis médical si un risque d’effet secondaire grave est avéré ? La question se pose alors que la consommation régulière et prolongée d’ibuprofène et de paracétamol serait impliquée dans la perte auditive.

Molécules les plus fréquemment prescrites sans ordonnance, l’ibuprofène et le paracétamol sont connues pour soulager les douleurs chroniques et faire baisser la fièvre. Mais sur le long terme, l’usage fréquent de ces analgésiques ne serait pas sans risque. Selon l’équipe du Pr Gary Curhan (Brigham and Women’s hospital, Boston, Etats-Unis), il entraîne une baisse de l’audition. Pour le prouver, les scientifiques se sont penchés sur les questionnaires remplis par 63 699 femmes issues de la cohorte Nurses’ Health Study.

Parmi elles, moins de la moitié (47%) souffrait de problèmes d’audition. L’élévation du risque de perte auditive s’est révélée de « 9% à 10% chez les femmes consommant de l’ibuprofène ou du paracétamol depuis plus de 6 ans ». Un trouble rapporté « dans les 10 ans suivant le début des prises régulières ». Cette fragilité n’a pas été repérée chez les utilisatrices d’aspirine. Les chercheurs n’ont pu expliquer le mécanisme précis de cette dégradation de l’ouïe. Mais une piste est envisagée : « l’ibuprofène et le paracétamol affectent les cellules auditives ou bloquent la circulation de l’oxygène dans le sang à proximité de l’appareil auditif ».

Un usage trop automatique ?

« Pour diminuer autant que possible le recours automatique à ces molécules, je conseille aux patients exposés aux douleurs chroniques de consulter un médecin pour comprendre les causes de leurs symptômes, plutôt que de chercher immédiatement  à calmer la douleur », appuie le Pr Curhan.

Cette étude « soulève la question de l’automédication et prouve à quel point le libre accès pousse les patients à consommer ces molécules de façon routinière ». Ainsi « certains prennent de l’ibuprofène après une séance de sport pour favoriser une bonne récupération musculaire. D’autres avalent une gélule avant de se coucher pour trouver le sommeil plus facilement ». Or consommées sur le long terme, ces molécules ototoxiques, c’est à dire susceptibles de léser les structures de l’oreille interne et du nerf auditif à partir d’un certain dosage, « peuvent engendrer des effets secondaires loin d’être anodins », souligne le Pr Cuhan.

Elles sont aussi connues pour fragiliser les reins et favoriser la survenue d’une hypertension artérielle. Mais « seule la consommation prolongée augmente ces risques, pas l’usage exceptionnel », rassure le Pr Cuhan.

A noter : l’ibuprofène, anti-inflammatoire non-stéroïdien, a déjà suscité la réaction   de l’Agence européenne du médicament pour son élévation du risque cardiovasculaire. En avril 2015, l’autorité déclarait que« les fortes doses d’ibuprofène doivent être évitées chez les patients avec une hypertension artérielle non contrôlée, une insuffisance cardiaque congestive, une cardiopathie ischémique, une artériopathie périphérique et/ou une maladie vasculaire cérébrale ».

  • Source : American Journal of Epidemiology, le 14 décembre 2016. Times, site consulté le 3 janvier 2016

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Dominique Salomon

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