In’CaRe : vers une nouvelle ère de la cancérologie

23 septembre 2025

Booster les initiatives et projets en matière de cancérologie qui émanent des territoires, telle est l’ambition d’In’CaRe, l’appel à projets lancé par AstraZeneca en 2023. Pour sa seconde édition, le programme a recueilli 108 candidatures issues aussi bien d’établissements de santé, d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche que d’associations de patients, basés en métropole comme en Outre-mer. Le jury d’experts indépendants a retenu six projets, qui reflètent la diversité des approches et la richesse des engagements en cancérologie en France. En contribuant jusqu’à hauteur de 160 000 euros par projet, In’CaRe favorise l’innovation de terrain en recherche et en soins pour le bénéfice des patients. Zoom sur deux projets parisiens menés à l’Institut Curie et un autre mené en Polynésie. A noter que trois autres lauréats ont été récompensés : l’Institut du Cancer de Montpellier, le Centre Léon Bérard de Lyon et le Centre François Baclesse de Caen.

Un programme au service de l’innovation en cancérologie

« Il y a maintenant deux ans, AstraZeneca a lancé l’appel à projets national In’CaRe », explique Nicolas Ozan, Directeur médical oncologie et hématologie d’AstraZeneca France. « Cette initiative, dédiée à l’oncologie et à l’hématologie, vise à soutenir des projets de recherche ou d’optimisation des soins qui vont améliorer la vie des patientsCette seconde édition d’In’CaRe illustre à la fois le dynamisme du secteur et les besoins de financement comme le soulignaient plusieurs membres du jury : les candidatures reçues témoignent de la richesse des initiatives portées par des chercheurs, des soignants et des représentants d’association de patients très engagés, en métropole comme en Outre-mer. »

Explorer de futures stratégies thérapeutiques contre les sarcomes pédiatriques

A l’Institut Curie de Paris, un projet fondamental explore les mécanismes épigénétiques à l’origine de sarcomes pédiatriques rares. Objectif : mieux comprendre leur oncogenèse et ouvrir la voie à de futures stratégies thérapeutiques pouvant notamment utiliser des thérapies ciblées.

C’est ce que nous explique le Dr Jill Pilet, post-doctorante à l’Institut Curie au sein de l’unité Mécanismes d’Oncogenèse des Tumeurs de l’Enfant (CONCERT, Institut Curie/Inserm).

Pourquoi étudier l’épigénétique dans les sarcomes pédiatriques ?

Dr Jill Pilet : Ces tumeurs rares se développent à partir de très peu d’anomalies génétiques. Souvent, un seul réarrangement chromosomique fusionne deux gènes et produit une protéine favorisant le développement de la tumeur. Dans les sarcomes BCOR:CCNB3, cette protéine modifie l’épigénome (marques sur l’ADN, repliement de la molécule), ce qui dérègle l’expression de nombreux gènes.

Quelles pistes thérapeutiques ?

L’étude de ces mécanismes doit permettre de comprendre comment la protéine agit et d’identifier des molécules capables de bloquer ses effets. Elle pourrait aussi révéler des similitudes avec d’autres cancers pédiatriques où des traitements épigénétiques existent déjà.

Quel impact pour les patients ?

Ces cancers, récemment reconnus, restent très peu étudiés et ne disposent pas de traitements spécifiques. Aujourd’hui, les enfants reçoivent des chimiothérapies prévues pour d’autres sarcomes, comme celui d’Ewing. Les recherches ciblées ouvrent la voie à des thérapies adaptées, mieux ajustées à leur maladie.

Mieux suivre l’après cancer du sein

Toujours à l’Institut Curie, le projet e-Sentinelle développe une plateforme numérique de suivi après cancer du sein, intégrant des données de remboursement de soins ainsi que des données rapportées par les patients. L’objectif : aider à l’adhésion aux traitements, au calendrier de surveillance, et détecter précocement les rechutes, comme l’explique le Dr Anne-Sophie Hamy-Petit, oncologue et chercheuse à l’Institut Curie dans l’équipe Résidu tumoral et réponse au traitement (département de recherche translationnelle).

Quels constats vous ont conduit à créer cette plateforme ?

Dr Anne-Sophie Hamy-Petit : Trois constats principaux nous ont guidés. D’abord, les patientes atteintes de cancer du sein expriment un vrai manque d’informations sur les signes de rechute et souhaitent être mieux accompagnées. Ensuite, les données de remboursement de soins constituent une ressource très riche, encore sous-utilisée, qui couvre la quasi-totalité des patientes suivies en France. Enfin, les données rapportées par les patientes elles-mêmes (symptômes, effets secondaires, qualité de vie) complètent parfaitement ces informations. En croisant ces deux sources, nous obtenons une vision plus précise et plus fiable de leur parcours, ce qui ouvre la voie à des améliorations concrètes du suivi.

Comment le numérique peut-il mieux accompagner les patientes après un cancer ?

S’il est pensé avec les patientes et les soignants, le numérique est un outil précieux. Il permet de garder le lien en dehors de l’hôpital, de repérer des signes d’alerte entre deux visites et d’offrir un accès simple à l’information, y compris pour les personnes isolées.

Quel enjeu pour les DROM, comme la Polynésie ?

Dans les territoires où l’accès aux centres de soins est compliqué, le numérique devient essentiel pour maintenir le suivi. Mais il doit être adapté au contexte local : aux langues, aux pratiques, différentes de celles de la métropole. Ce travail doit se faire avec les soignants, les chercheurs et les associations de patients pour garantir son efficacité.

ARATA’I : améliorer le suivi des patients sous traitement anticancéreux en Polynésie

En Polynésie française, suivre un traitement par voie orale contre le cancer est un vrai défi : éloignement des îles, rotation des équipes médicales, contraintes logistiques… Pour relever ce défi, l’Institut du Cancer de Polynésie Française a lancé ARATA’I, une plateforme pilote conçue pour améliorer le suivi et l’accompagnement des patients, réduire les complications et renforcer l’observance. Nous avons interviewé le Dr Jean‑François Moulin, oncologue médical, qui nous explique comment ce projet innovant adapte la coordination ville‑hôpital aux spécificités du territoire et transforme le parcours de soins des patients sous thérapies orales.

Quels sont les défis spécifiques au suivi des thérapies orales en Polynésie française ?

Dr Jean‑François Moulin : En Polynésie française, suivre une thérapie orale contre le cancer est un vrai défi. Le territoire, vaste comme l’Europe avec 75 îles habitées, complique l’acheminement des médicaments et les déplacements. Les moyens de transport, la connectivité et les compétences des professionnels de santé varient selon les zones, rendant la coordination difficile. La rotation fréquente des soignants fragilise le suivi et la relation de confiance avec les patients, tandis que les spécificités culturelles influencent la perception de la maladie et l’observance des traitements.

En quoi la plateforme ARATA’I améliore-t-elle la coordination entre patients et professionnels de santé ?

ARATA’I est une plateforme de télésuivi qui relie le patient, l’infirmière spécialisée et les autres professionnels de santé. Elle permet un accompagnement régulier, personnalisé et adapté à chaque situation.

Concrètement, une infirmière qui connaît bien la maladie et les réalités du territoire suit le patient dès le début du traitement. Elle l’aide à comprendre comment prendre son médicament, à repérer les effets indésirables, à organiser les examens de suivi, et à identifier des besoins plus larges, comme un soutien social ou psychologique. Grâce à ARATA’I, une jeune patiente a pu démarrer son traitement dans de bonnes conditions avec tous ses examens réalisés, tandis qu’une autre a reçu son médicament à temps, malgré la complexité de l’acheminement entre les îles.

Quelles sont les perspectives de déploiement et d’impact à plus grande échelle ?

ARATA’I est une première en Polynésie : une plateforme de télésuivi pensée pour les patients atteints de cancer traités par voie orale. Elle permet un accompagnement numérique renforcé et ciblé, qui améliore la prise du traitement, réduit les déplacements coûteux et facilite le suivi malgré la rotation des équipes médicales. Le projet vise à étendre ce type de suivi à tous les patients atteints de cancer, et éventuellement aux chimiothérapies intraveineuses, pour sécuriser la prise en charge et soutenir les médecins non spécialisés. Au-delà du cancer, cette expérience ouvre la voie à un modèle adapté aux réalités insulaires, qui pourrait être appliqué à d’autres maladies ou territoires.

« En soutenant ces projets, nous favorisons le déploiement de solutions concrètes, adaptées et novatrices, qui contribuent à faire progresser les connaissances en cancérologie et à améliorer la vie des patients », conclut Nicolas Ozan.

  • Source : Pierron G, Tirode F, Lucchesi C, Reynaud S, Ballet S, Cohen-Gogo S, Perrin V, Coindre JM, Delattre O. A new subtype of bone sarcoma defined by BCOR-CCNB3 gene fusion. Nat Genet. 2012 Mar 4;44(4):461-6. doi: 10.1038/ng.1107. PMID: 22387997.

  • Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet – Edité par : Vincent Roche

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