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Seuls 59 % des patients atteints d’insuffisance cardiaque consultent un cardiologue une fois par an, le minimum recommandé. Ce constat a été établi par le Dr Guillaume Baudry et le Pr Nicolas Girerd (Centre d’investigation clinique Pierre Drouin, à Nancy), à partir du Système national des données de santé (SNDS).
Pour améliorer la situation, les auteurs proposent une piste pour guider le suivi des patients, en s’appuyant sur deux critères simples permettant d’apprécier la sévérité de la maladie : la présence d’un antécédent d’hospitalisation (et son ancienneté), ainsi que la prescription de diurétiques de l’anse (qui agissent sur une partie spécifique du rein appelée anse de Henle pour éliminer l’eau, le sodium et le chlorure). Ces médicaments sont à la fois marqueurs de la sévérité de l’insuffisance cardiaque et à l’origine d’effets indésirables graves (diminution excessive du volume de sang circulant/hypovolémie, un taux trop bas de sodium dans le sang/ hyponatrémie, insuffisance rénale aiguë…)
Cette approche permet de définir quatre catégories de malades, chacune associée à une fréquence de suivi spécifique. Car aujourd’hui, le rythme des consultations des patients insuffisants cardiaques est laissé à l’appréciation du praticien.
Pour tester et appliquer leurs critères de sévérité, et parce que « l’association entre suivi et pronostic selon le niveau de risque n’a pas été décrite à l’échelle de la population », les auteurs se sont appuyés sur une cohorte française de plus de 650 000 patients, soit tous les patients français identifiés comme atteints d’insuffisance cardiaque au cours des cinq années précédentes. Cette population a été répartie en quatre groupes selon la sévérité de l’insuffisance cardiaque. Après un an, le taux de mortalité toutes causes confondues atteignait 16 %. Il était inférieur à 8 % chez les patients les moins sévèrement atteints, et jusqu’à 25 % pour les plus sévères.
Par rapport aux moins sévères, le risque relatif de mortalité était plus que doublé chez les plus sévères (multiplié par 2,32).
Quel que soit le niveau de gravité, toutes les catégories sont mal suivies : environ 40 % des patients ne consultent pas leur cardiologue une fois par an, avec une médiane de deux consultations seulement sur les cinq années de suivi. Or, les auteurs ont aussi montré que se rendre à cette consultation annuelle réduisait la mortalité de 6 à 9 points.
Autre constat préoccupant : la prise en charge de l’insuffisance cardiaque reste insuffisante, avec un taux encore bas de prescription de médicaments pourtant indispensables, comme les antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes (ils bloquent les effets délétères de l’aldostérone, une hormone impliquée dans la rétention de sodium et d’eau par les reins, et réduisent la mortalité).
Les auteurs concluent en faveur d’un suivi optimal d’une consultation cardiologique annuelle pour les patients les moins sévères, et jusqu’à quatre pour les plus graves. Et de 2 à 3 en cas de sévérité intermédiaire. « Une stratification simple, basée sur les antécédents d’hospitalisation et l’usage de diurétiques de l’anse, permet de prédire efficacement le pronostic », expliquent-ils. « Adapter le rythme des consultations cardiologiques à cette classification permettrait d’optimiser les ressources et réduire la mortalité évitable. »
Source : Cardiologist follow-up and improved outcomes of heart failure: a French nationwide cohort European Heart Journal (2025) 00, 1–16 ; Vaincre l’insuffisance cardiaque
Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet