IVG : l’allongement du délai divise

12 octobre 2020

La proposition de loi adoptée à l’Assemblée nationale le jeudi 8 octobre prévoyant d’allonger le délai légal de recours à l’IVG et la suppression de la clause de conscience des médecins soulève de nombreuses oppositions. Notamment au sein des sociétés savantes.

Soumise par les députées Marie-Noëlle Battistel (Parti socialiste) et Cécile Muschotti (LREM), la proposition de modification de la loi sur l’IVG fait polémique. Elle préconise notamment d’allonger de deux semaines le délai légal pour avorter, qui serait ainsi porté de 12 à 14 semaines de grossesse.

Quel est le but de cette proposition ? Ce texte a pour objectif de renforcer le droit à l’avortement, pas toujours garanti dans les faits. En effet, selon le rapport sur l’accès à l’IVG remis en septembre 2020, « entre 3 000 et 5 000 patientes seraient contraintes chaque année de se rendre à l’étranger (notamment en Espagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas) » pour avorter car leur grossesse a déjà passé le délai légal de 12 semaines en France.

Une des autres raisons de cette difficulté d’accès réside dans le manque de médecins. C’est pourquoi la proposition de loi suggère également de permettre aux sages-femmes de réaliser des IVG chirurgicales jusqu’à la 10e semaine de grossesse et de supprimer la clause de conscience permettant aux médecins et sages-femmes de refuser de pratiquer cet acte.

Qu’en pensent les médecins ?

La proposition de loi est globalement rejetée par le monde médical. Par la voix du Collège national de l’Ordre des médecins (Cnom) d’abord, qui estime que « ni la disparition de la clause de conscience, ni l’allongement des délais légaux (…) ne permettront de répondre aux difficultés qui peuvent, aujourd’hui encore, se poser à nos concitoyennes souhaitant avoir recours à une IVG ».

De son côté l’Académie nationale de médecine rejette également la proposition de loi. Selon ses membres, l’allongement du délai « augmente le recours à des manœuvres chirurgicales qui peuvent être dangereuses pour les femmes et à une dilatation du col plus importante susceptible de provoquer des complications à long terme comme un accouchement prématuré ». Pour ces mêmes raisons de risques de complications, elle déconseille « le transfert de compétences aux sages-femmes pour la pratique des IVG chirurgicales quel qu’en soit le terme et compte tenu de leur absence actuelle de qualification chirurgicale ».

Améliorer l’accès dans les délais actuels ?

Comment prévenir les situations dramatiques (impossibilité d’avorter dans le temps imparti etc) ? Pour le CNOM « l’Etat doit prendre des engagements forts (…) pour assurer, en tout point du territoire, la mise à disposition pour les femmes des moyens matériels et professionnels de prise en charge de qualité. (C’est ce qui permettra) l’accès sans entrave à l’IVG ».

L’Académie de médecine abonde en conseillant « d’accroître la vigilance et les moyens des autorités sanitaires pour optimiser le fonctionnement des centres de santé qui prennent en charge des IVG en les rendant plus accessibles et dans des délais moindres ». Est-ce vraiment réaliste dans le contexte actuel de crise de la Covid-19 ?

A noter : Le ministre de la Santé a saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) afin qu’il éclaire les débats sur l’allongement du délai légal de l’IVG. Son avis est attendu en novembre 2020.

  • Source : vie-publique.fr – Cnom – Académie de médecine 2020

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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