L’Europe a-t-elle du cœur ?
05 août 2011
Il y a tout juste 4 ans, le 12 juillet 2007 le Parlement européen adoptait une Résolution demandant à la Commission et aux Etats-Membres de l’Union, de s’attaquer « à la première cause de mortalité » dans l’espace européen. C’est-à-dire aux maladies cardio-vasculaires. Depuis lors ces dernières ont tué près de 15 millions de personnes en Europe, dont 7 millions dans les pays de l’Union…
C’est « le coût de l’inaction, affirme une motion proposée par un groupe de députés européens. « L’Europe soutient massivement 25 projets de recherche en cardiologie. Elle n’a pourtant toujours pas de stratégie cohérente pour s’attaquer à ces maladies, aucun plan de coordination avec les Etats-Membres », soulignait Antigoni Papadopoulou (Groupe Socialiste démocrate, Chypre) lors d’une réunion qui rassemblait à Bruxelles des parlementaires, des associations de patients et des épidémiologistes et des économistes.
plus de 3 900 euros par Européen
Car le fardeau des affections cardio-vasculaires est également économique. Selon le European Heart Network, elles représentent un coût de 192 milliards d’euros par an, soit 3 914 euros par Européen. Or les dépenses de soins ne représentent pas plus de 57% des sommes engagées au titre des maladies cardio-vasculaires. Le reste est constitué par les pertes de productivité (21%) et les dépenses de soins « informelles » (22%). C’est-à-dire pour l’essentiel, le reste à charge des familles et des aidants…
Deux points majeurs à souligner. D’abord, l’inégalité des sexes devant la maladie : les affections cardio-vasculaires représentent 45% de la mortalité féminine, et 38% de la mortalité masculine. Encore une idée reçue battue en brèche ! Les femmes ne sont pas « protégées » contre les affections cardio-vasculaires. Tabagisme, pilule sont des résultantes de l’émancipation féminine, par ailleurs bienvenue. Mais ce sont également, de dangereux facteurs de risques, notamment d’accident vasculaire cérébral (AVC).
Deux groupes d’affections prédominent en effet de façon spectaculaire : la maladie coronarienne (plus de 740 000 morts par an) et les AVC avec près de 510 000 morts chaque année. Evoquant le problème des AVC le Pr Jan Sobesky (Hôpital de la Charité, Berlin), a souligné que ces derniers représentent « la 3è cause de mortalité dans les pays occidentaux, et la première des maladies neurologiques. Ils sont aussi la première cause d’invalidité permanente en Europe et leur taux de mortalité durant le 12er mois, oscille entre 10% et 20% ».
Prévenir: un objectif majeur
La France ne fait naturellement pas exception. Professeur d’Economie à l’ESSEC (Paris), Gérard de Pouvourville (notre photo) souligne que « le fardeau purement économique de l’AVC, dans sa partie non-médicale donc, est du même ordre de grandeur que les coûts médicaux directs. Par conséquent, s’il est incontestablement nécessaire d’améliorer les traitements, il l’est tout autant de développer la prévention. C’est un objectif majeur, qui n’a rien de secondaire. »
Si c’est bien là une conséquence du « coût de l’inaction, que peut donc proposer l’Europe pour sortir de l’immobilité ? « Les organisations de patients effectuent un remarquable travail de sensibilisation sur les facteurs de risques (dans ce domaine). Elles constatent à quel point la prévention est essentielle », a souligné Cecilia Wikström (Libéral et démocrate, Suède). S’inspirant des exemples présentés par différentes associations venues d’Italie, d’Allemagne, du Royaume-Uni, elle a par exemple suggéré que les parlementaires européens se prêtent à un dépistage de la fibrillation auriculaire. Ce trouble du rythme extrêmement commun (plus de 4,5 millions d’Européens en seraient atteints) multiplie en effet par cinq le risque d’AVC. Une proposition accueillie un peu fraîchement par la représentante de la Commission européenne.
Un tel dépistage pourtant, ne constituerait pas une réelle « Première » au Parlement de Bruxelles, dont certains locataires se sont déjà prêtés à ce type d’action pour identifier la présence dans leur sang, de résidus de pesticides… Et à l’approche du prochain Sommet de l’ONU sur les maladies non-transmissibles, organisé les 16 et 19 septembre prochain à New York (USA), comme dans la perspective de l’année européenne du vieillissement actif prévue en 2012, voilà un rappel qui tomberait à pic…
Pour aller plus loin :
– la Résolution du Parlement européen du 12 juillet 2007 :
– le rapport statistique sur les maladies cardio-vasculaires en Europe, 2008