La fronde enfle contre le « paquet santé » de Roselyne Bachelot
22 septembre 2008
Il soufflait un vent glacial lorsque les cadres de la Confédération des Syndicats médicaux français (CSMF), réunis à Cannes en Université d’été, ont accueilli Roselyne Bachelot-Narquin. Si glacial même, qu’on l’a entendu siffler. A quelques jours de la loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), quelques semaines de la loi « Hôpital, Patient, Santé, Territoires » (HPST) qui doit marquer le passage au gouvernement de la ministre en charge de la Santé, les esprits s’échauffent…
La troisième version –peut-être la dernière – de ce pavé de plus de 100 pages, en quelque sorte un « paquet santé », est aujourd’hui entre les murs du Conseil d’Etat. Ce qui en a filtré ne va pas sans susciter d’inquiétudes… Et pas seulement parmi les médecins.
Le projet est dominé par la mise en œuvre d’Agences régionales de Santé (ARS). Roselyne Bachelot-Narquin l’a promis, les ARS « mettront en œuvre les outils de la cohérence entre les secteurs hospitalier, ambulatoire et médico-social » mais ne règneront pas en maîtresses absolues. « L’Assurance-maladie, les syndicats de professionnels de santé, la convention, le ministère, tous ces acteurs restent au niveau national dans leur pureté de cristal. Audacieuse, l’allégorie n’a pas fait mouche.
Les représentants des 70 000 membres de la CSMF ont été inquiétés par les contradictions de leur ministre. Ils ont eu de la peine à croire que « la permanence des soins relève(rait) de (leur) responsabilité ». D’autant plus en fait, qu’ils avaient appris quelques secondes plus tôt que cette permanence pourra être organisée et financée (…) par les ARS, en lien avec les préfets et bien sûr les conseils de l’Ordre… »
Les politiques chargés de porter cette loi devant l’Assemblée n’ont pas davantage convaincu. Yves Bur (UMP, Bas-Rhin) a reconnu « que l’ONDAM 2007 (Objectif national de dépenses d’assurance-maladie, n.d.l.r.) était un ONDAM électoral. Ce qui n’a pas rassuré sur l’ONDAM 2009 à venir… Et lorsqu’il a tenu à préciser qu’il n’était « pas question de supprimer des emplois hospitaliers mais de réduire le nombre de postes, son humour est tombé à plat.
Vers une administration de la santé ?
Certes le député (UMP, Loiret) Jean-Pierre Door, secrétaire de la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée, s’est voulu rassurant. « Nous attendons de la loi HPST qu’elle nous fasse réfléchir globalement à une cohérence entre l’hôpital et la médecine de ville (…) pour relier les maillons de la chaîne de soins. Avec le patient au cœur du dispositif, et le médecin de ville dans le rôle du chef d’orchestre » Doux zéphyr… vite tempéré par le Rapporteur général Yves Bur. Il a souligné que « si nous ne sommes pas capables de valoriser la responsabilité dans le système de santé, cette réforme aboutira simplement à créer une administration de la Santé ».
La menace est claire. Elle s’adresse aux médecins comme aux patients. Nos cousins québequois ont vécu l’installation de ces fameuses agences de santé. « Cela revient à créer un nouveau pouvoir, un intermédiaire de plus avec ses coûts et… pas vraiment de service en retour ». Gaétan Barrette, président de la Fédération des Médecins spécialistes du Québec, n’y est pas allé par quatre chemins. « Quand il y a de l’argent tout va bien, mais sinon ces agences gèrent la pénurie dans l’opacité la plus totale. Cette mesure-là, est une mesure pour diviser pour régner… ».
Il n’est pas surprenant que le président de la CSMF le Dr Michel Chassang, ait fraîchement accueilli son ministre de tutelle. Il a ainsi refusé « que la médecine de ville soit continuellement la variable d’ajustement du système de soins », et clamé l’hostilité de ses mandants « à toute étatisation du système de santé à travers les ARS ».