Le cannabis rend-il schizophrène ?
24 octobre 2014
En terminale, 7% des jeunes déclarent fumer un minimum de dix joints par mois. ©Phovoir
En 1988, une étude suédoise prouvait que la consommation de cannabis multipliait par 6 le risque de schizophrénie. Pour autant, le cannabinol, extrait de cannabis, est aujourd’hui prescrit à dose thérapeutique dans la prise en charge de la schizophrénie. Les patients atteints de ce trouble psychiatrique sont-ils plus sensibles aux effets du cannabis ? Les précisions du Pr Amine Benyamina, psychiatre et responsable de l’unité fonctionnelle d’addictologie à l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP).
« C’est un fait, beaucoup de patients schizophrènes fument des joints. Et inversement, beaucoup de consommateurs de cannabis souffrent de cette psychose », souligne le Pr Amine Benyamina. Mais le lien de cause à effet est difficile à confirmer. D’autant que la schizophrénie est complexe à diagnostiquer. « Dans certains cas, les symptômes sont clairement identifiés : hallucinations, bouffées délirantes. Mais le diagnostic est souvent moins évident. Des signes plus insidieux apparaissent comme l’apathie, un manque d’émotivité, des difficultés à s’organiser dans la vie de tous les jours, mais aussi des troubles de la concentration et de la mémoire.
Chez la majorité des patients atteints de schizophrénie, les premiers symptômes surviennent à l’âge le plus propice aux comportements addictifs, soit entre 15 et 25 ans. « C’est aussi la période où se fait la maturation cérébrale », confirme le Pr Benyamina.
Schizophrène avant d’être dépendant
Première drogue illicite la plus consommée, le cannabis engendre de sévères dommages sur le plan cognitif. Conséquences, une consommation élevée et précoce de cannabis peut mener à la dépression, voire aux troubles de la personnalité. Et donc aggraver ces symptômes caractéristiques de la schizophrénie. En effet, chez un patient sujet à la schizophrénie, la consommation de cannabis amplifie le trouble, mais ne le provoque pas. « La prédisposition génétique a une rôle très important dans le déclenchement de cette pathologie ». D’autres facteurs de vulnérabilité sont clairement identifiés :
- « La précocité de la consommation : un jeune qui commence à fumer du cannabis à 12 ans est davantage exposé au risque de développer une schizophrénie qu’à l’âge de 30 ans », explique le Pr Benyamina.
- La qualité du cannabis : un jeune qui consomme du cannabis fortement dosé en tétrahydrocannabinol (THC), substance addictogène, a plus de risque de développer une schizophrénie.
- Le terrain génétique: un jeune qui a des antécédents de schizophrénie et/ou de bipolarité dans sa famille a plus de risque d’être touché à un certain degré par la schizophrénie.
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Source : Interview du Pr Amine Benyamina, psychiatre et responsable de l’unité fonctionnelle d’addictologie à l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP), août 2014
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Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Emmanuel Ducreuzet