Le chlordécone nuirait au développement des nourrissons
18 septembre 2012
Longtemps utilisé – et désormais interdit – pour lutter contre le charançon du bananier aux Antilles, le chlordécone est aujourd’hui soupçonné d’affecter le développement cognitif et moteur des nourrissons. Ce constat est issu d’une étude publiée lundi dans la revue Environnemental Research et menée par des chercheurs français de l’INSERM.
Pour aboutir à cette conclusion, deux équipes, l’une dirigée par le Dr Sylvaine Cordier basée à Rennes et l’autre par le Dr Luc Multigner à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, ont travaillé main dans la main. Ils se sont penchés sur l’exposition au chlordécone de nourrissons antillais et son impact sur leur développement pré- et post-natal.
Bien qu’interdit depuis 1993 dans les Antilles françaises, ce pesticide au caractère persistant, a largement contribué à polluer les sols et à contaminer les populations.
Entre 2005 et 2007, les auteurs se sont donc intéressés à 1 042 femmes enceintes, au sein d’une cohorte baptisée Timoun (enfant en créole). Les participantes ont fait l’objet d’un suivi pendant et après leur grossesse. Au final, les auteurs ont limité leur échantillon à 153 enfants, inclus dans l’étude à partir de l’âge de 7 mois. Comme nous l’a précisé le Dr Multigner, « nous avons réalisé nos tests chez un échantillon d’enfants nés à terme, en bon état de santé général à la naissance, sans malformations majeures et sans que les mamans aient présenté au cours de la grossesse des pathologies ou antécédents susceptibles d’entraîner des effets sur le neuro-développement de l’enfant (consommation d’alcool…). De cette manière, il était plus facile de mettre en évidence les effets propres au chlordécone sans qu’ils soient confondus par d’autres facteurs. »
Des troubles permanents ?
Les chercheurs ont mesuré l’exposition prénatale au chlordécone en réalisant des prélèvements sanguins au cordon ombilical. L’exposition postnatale, pour sa part, a été déterminée par un dosage du lait maternel et des aliments susceptibles d’être contaminés par le pesticide.
Les enfants ont été soumis à des tests de motricité fine et de vitesse d’acquisition de mémoire visuelle. « L’exposition prénatale au chlordécone a été associée à un faible score sur l’échelle de développement de la motricité fine » indiquent les Drs Cordier et Multigner. « L’exposition postnatale a, pour sa part, été reliée à une réduction de la vitesse d’acquisition de la mémoire visuelle ».
En conclusion, « l’exposition prénatale ou postnatale au chlordécone est associée à des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons » ont observé les auteurs. « Cependant, nuancent-ils, ces observations basées sur de petits effectifs ne traduisent pas de troubles graves ».
Sylvaine Cordier et Luc Multigner s’interrogent toutefois sur l’existence de troubles permanents à un âge plus avancé. Selon eux « seul le suivi des enfants au cours des années à venir permettra de répondre à ces interrogations ». C’est pourquoi leurs recherches se poursuivent désormais auprès d’enfants âgés de sept ans.